RFI fête 40 ans d’émissions en espagnol et portugais du Brésil vers l’Amérique latine
Depuis 1982, RFI diffuse des émissions en espagnol et en portugais, produites à Paris et destinées à l’Amérique latine. Lancé sous l’impulsion de la présidence de François Mitterrand, ce projet a rapproché le continent américain de la France, avec des émissions qui présentaient l’actualité internationale sous un prisme franco-européen, au moment où les Sud-Américains luttaient pour la liberté d’expression et où plusieurs pays de la région vivaient encore sous régime militaire. Pour célébrer cet anniversaire, les rédactions reviennent sur ces quarante ans d’histoire.
De l’Argentine au Brésil, en passant par le Chili ou l’Uruguay, nombreux étaient les pays latino-américains qui vivaient sous régime militaire dans les années 1980. C’est à ce moment que naît le service Amérique latine de Radio France internationale.
Même si RFI diffusait déjà des émissions en différentes langues, un héritage du Poste colonial, ce projet de radiodiffusion en ondes courtes destiné à l’empire colonial français et qui existait depuis 1931, la chaîne ne produisait pas de contenus spécifiques pour l’Amérique Latine.
Un continent avec lequel François Mitterrand, premier président français socialiste et récemment élu, voulait se rapprocher. « Mitterrand croyait indispensable avoir un canal de communication vers l’Amérique latine », se souvient le Mexicain Enrique Atonal, ancien responsable de la rubrique Culture en espagnol. « Il pensait qu’il était très regrettable qu’il n’y ait pas ce trait d’union avec la France. » « Mitterrand voulait resserrer les liens avec l’Amérique latine », ajoute Milton Blay, membre des premières équipes et ancien chef du service en brésilien. A tel point que, face à un blocage administratif au moment d’embaucher les nouvelles recrues – des journalistes latino-américains qui travaillaient comme correspondants en France, mais aussi des exilés politiques installés à Paris – le chef d’État a dû intervenir personnellement.
« Il y avait des dictatures dans la plupart de pays de la région et seulement les ondes courtes, qui étaient très écoutées, pouvaient offrir une information sans censure. Du point de vue journalistique, on vivait des temps passionnants », se souvient l’Argentin Alejandro Valente, qui arrive à RFI en 1982 et a dirigé le service en espagnol de 1997 à 2011.
« Je n’avais aucune expérience en radio et j’ai tout appris à RFI », raconte Paulo Paranaguá, ancien réfugié politique qui a travaillé pendant plusieurs années à Radio France internationale avant de devenir l’un des spécialistes de l’Amérique Latine pour le journal Le Monde. « Avant d’intégrer la radio j’avais vécu une époque de militantisme et me considérais comme un internationaliste. Mais c’est à RFI que j’ai découvert ce qu’était le vrai internationalisme », souligne le journaliste.
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Babel latino-américaine sur les berges de la Seine
Au départ, Brésiliens et Latino-Américains hispanophones formaient une rédaction unique, qui produisait des émissions en espagnol et en portugais sous la houlette de Ramón Chao, rédacteur en chef espagnol – et accessoirement père du chanteur Manu Chao. Mais après presque une décennie de cette Babel latino-américaine, les spécificités linguistiques et culturelles ont poussé la création de deux rédactions, l’une en portugais vers le Brésil et l’autre en espagnol vers les pays hispanophones du continent.
Les deux services sont restés proches, mais ont acquis leur autonomie dans les années 1990 et peu à peu l’offre s’est élargie et multipliée. De quelques heures d’émissions quotidiennes et nocturnes aux premières années de rédaction commune, les services ont produit jusqu’à 5 heures de programmes en portugais et en espagnol, d’abord par les ondes courtes, puis par les satellites et par un innovant réseau de centaines de radios partenaires bâti dès les années 1990.
C’était le début de l’ère numérique, avec notamment la diffusion par satellite et plus tard l’arrivée d’Internet. « C’était aussi le retour à la démocratie dans la région et la fin de la censure, ce qui rendait les ondes courtes moins intéressantes pour le public », explique Alejandro Valente qui a œuvré au développement des partenariats avec des radios locales et nationales (plus de 900 actuellement dans les deux langues) qui reprennent totalement ou partiellement les productions des deux équipes.
« Le Brésil vivait la fin de la dictature (en 1985, NDLR) et l’information venue de l’étranger, produite par des journalistes brésiliens, était un lien avec l’Europe », souligne Emmanuel Carneiro, l’ancien président de Radio Itatiaia de Minas Gerais, l’un des partenaires historiques de ce qui est devenu le service brésilien de RFI. « Je me souviens encore de ces voix, en portugais du Brésil, qui arrivaient de Paris, des berges de la Seine », se souvient-il, en référence à la Maison de la Radio, sur les bords de Seine, siège de RFI jusqu’en 2013.
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Internet, les réseaux sociaux… et la TV !
Depuis, les deux rédactions ont fortement évolué, avec des émissions thématiques, des podcasts et de plus en plus de sujets tournés vers la diffusion sur internet, y compris avec des contenus filmés ou produits pour les réseaux sociaux.
En 2005, Année du Brésil en France, la rédaction en brésilien a lancé son site internet, un des premiers en langues étrangères de RFI. C’était le début d’une transformation en profondeur et d’expansion de son offre éditoriale et des contenus.
RFI en espagnol, de son côté, est entrée dans la dimension télévisuelle.
En 2017, France 24, la chaîne de télévision de la holding France Média Monde (FMM) lançait à Bogota sa propre chaîne en espagnol, avec la même ambition que RFI : toucher le public latino-américain dans ses langues. Pour RFI en espagnol, ce fut à la fois l’opportunité d’avoir une visibilité plus importante dans le continent et un énorme défi pour une équipe plus habituée à évoluer dans l’intimité de la radio. Trois émissions bi-media RFI-F24 sont produites chaque semaine depuis un grand studio construit spécialement au sein du siège parisien.
« La radio est un média complètement différent, tant sur la forme que sur le plan éditorial. Avant, il n’y avait que des ondes courtes et des programmes exclusivement radiophoniques. Aujourd’hui, RFI est multimédia, présente sur plusieurs supports, c’est une révolution totale », souligne Maria Emilia Alencar, ancienne journaliste et ex-cheffe du service en brésilien.
Des grands témoins et moments qui ont marqué l’histoire
Les deux services ont aussi vu passer des grands témoins de l’histoire : des anciens chefs d’État, comme Fernando Henrique Cardoso, Ricardo Lagos, Lula da Silva, Evo Morales, Mauricio Macri, et Dilma Rousseff ; des figures emblématiques comme le chef indigène Raoni ou la Guatemaltèque Rigoberta Menchu, prix Nobel de la paix ; des champions de Roland Garros, tel Gustavo Kuerten et Rafael Nadal, et une liste interminable des piliers de la culture latino-américaine de passage à Paris : les écrivains Octavio Paz, Jorge Amado, Gabriel García Marquez, Fernando del Paso ou Paulo Coelho. Certains ont même contribué à l’histoire de RFI, de l’autre côté du micro, comme le Péruvien Mario Vargas Llosa, qui a collaboré avec RFI en espagnol en tant que journaliste !
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Sans oublier le réseau de correspondants étrangers, lui aussi étoffé au fil de ces 40 ans, avec plus de 70 journalistes brésiliens et hispanophones partout dans le monde. De Washington à Pékin, en passant par Téhéran, Caracas, Bruxelles ou Tel Aviv, il n’est pas rare qu’un journaliste tende le microphone rouge de Radio France internationale avec un accent, non pas français, mais espagnol ou brésilien. Tous avec le même défi : celui d’apporter une information libre et impartiale sur l’actualité internationale vers l’Amérique latine.
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