Pourquoi les Français veulent gagner plus



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A l’appel de trois principaux syndicats, dont la CGT, les Français sont appelés à faire grève aujourd’hui pour exiger des hausses de salaires. Des revendications sur fond d’inflation et de grogne sociale. Car beaucoup de Français s’estiment aujourd’hui mal payés.

Sur les réseaux sociaux français le hashtag #BalanceTonSalaire est devenu viral depuis la semaine dernière. La direction de TotalEnergies a déclenché cette confession 2.0 en déclarant que les salariés du groupe gagnaient en moyenne 5 000 euros, soit plus de deux fois le salaire médian, aujourd’hui légèrement en-dessous de la barre des 2000 euros. Salaire médian, cela veut dire que la moitié des Français gagnent moins et l’autre plus. Cette « information » a été immédiatement démentie par les grévistes des raffineries. Mais trop tard, tous les Français s’estimant mal payés se sont lâchés sur la toile pour afficher leur rémunération.

Ce déballage est assez inhabituel dans un pays où il est tabou de parler d’argent ; il témoigne du malaise profond des catégories oubliées que l’on connait bien : les professeurs ou les infirmières, parmi les plus mal payés en Europe. Ou encore les premiers de cordée, ou de corvée, dont on a beaucoup parlé pendant la crise du Covid. Tous ces invisibles -la plupart employés dans les services- touchent le salaire minimum ou à peine plus, c’est-à-dire bien en dessous du salaire médian.

Ce qu’ils réclament aujourd’hui c’est d’abord un rattrapage sur l’inflation

Ils veulent sauver leur pouvoir d’achat. La hausse des prix est estimée cette année à 6%, tandis que les augmentations proposées tournent autour de 4% selon les estimations de l’Insee, l’institut national de la statistique. Le compte n’y est pas. En revanche le salaire minimum a été revalorisé de 8% cette année (il est de 1323 euros nets depuis le premier août), c’est au-delà de l’inflation.

Le hic, c’est que cette amélioration profite aux seuls smicards : ceux qui gagnent un peu plus mais souvent moins que ce salaire médian, n’ont pas bénéficié du coup de pouce. D’où leur mécontentement, exacerbé par les super profits annoncés par les énergéticiens comme TotalEnergies ou encore le groupe de fret CMA CGM. Dans le contexte actuel, ces gains paraissent indécents. C’est pourquoi la taxe sur les super profits que le gouvernement continue à retoquer est si populaire.

Pourtant soulignent les experts libéraux, contrairement aux idées reçues, sur la longue durée, le partage de la valeur entre le capital et le travail est resté stable en France alors que la part dévolue au travail a reculé dans la plupart des autres pays de l’OCDE. 

Faut-il revenir à l’indexation des salaires sur l’inflation comme c’était le cas en France jusqu’en 1983?

C’est prendre le risque d’alimenter la spirale inflationniste. Le gouvernement a préféré mettre en place un bouclier énergétique provisoire plutôt que d’ouvrir la vanne des augmentations générales. En revanche la Première ministre Elisabeth Borne, tout comme Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, incitent fortement les entreprises « qui le peuvent » à augmenter les salaires. Si des multinationales engrangent des revenus records, c’est loin d’être le cas pour les entreprises de taille plus modestes étranglées par la hausse du coût de l’énergie. C’est pourquoi cette précision (les « entreprises qui le peuvent ») n’est pas une facilité politique mais une réalité économique.

Il y a aussi de plus en plus d’entreprises qui « doivent » augmenter leurs salariés

Pour les garder ou les attirer. C’est vrai dans la restauration, les transports et en général dans l’encadrement, où le chômage est quasiment nul. Avec ou sans l’inflation, le rapport de force est à nouveau favorable aux salariés et ils ont bien l’intention d’en profiter. Pour un meilleur partage des revenus mais aussi pour de meilleures conditions de travail, avec le télétravail ou la semaine de quatre jours. La question sociale est donc de retour en France mais ses contours ont changé, un défi pour le patronat et le gouvernement qui doivent répondre à cette nouvelle donne.



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