Pourquoi l’Allemagne soigne sa relation avec la Chine
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L’Allemagne confirme l’arrivée du Chinois Cosco dans le capital du port de Hambourg, avec une participation toutefois revue à la baisse. Berlin ménage les Vingt-Sept inquiets de cette nouvelle acquisition chinoise, tout en préservant son commerce Pékin.
La question fait débat. Elle s’est posée brutalement il y a six ans quand la pépite allemande Kuka, spécialisée dans les robots industriels, a été rachetée par un groupe chinois. Quelques mois plus tard, Angela Merkel bloque le rachat d’une autre entreprise convoitée par les Chinois. En même temps, la chancelière a été la meilleure ambassadrice du commerce avec la Chine, avec ses voyages réguliers à Pékin, accompagnée par un aréopage d’hommes d’affaires. Sous sa direction, les échanges ont triplé.
Liaisons dangereuses
La guerre russe en Ukraine a relancé le débat. La première puissance européenne a bâti sa croissance sur une énergie bon marché : le gaz russe. Elle réalise aujourd’hui à quel point ce choix a été imprudent. Les écologistes, et notamment la ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, souhaitent que la relation avec la Chine soit revue à l’aune de la crise actuelle. Les écologistes comme les libéraux se sont d’ailleurs opposés à l’entrée de Cosco au capital du port de Hambourg. Car la Chine pourrait exercer un contrôle sur cette infrastructure stratégique, qui est un peu le portail de la nation allemande.
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Cosco est le quatrième armateur mondial, c’est surtout une entreprise publique déjà très bien implantée en Europe. Elle a avalé le port du Pirée en Grèce pendant la crise de la dette et acquis des participations dans les ports de Rotterdam et d’Anvers. Tandis qu’aucune entreprise étrangère n’est autorisée à monter dans le capital des ports chinois. Ce deux poids deux mesures constant de la part de Pékin a fini par refroidir les Européens.
Le chef allemand des renseignements entendu par le Bundestag sur cette participation polémique de Cosco a alerté sur les risques liés à son arrivée : sa présence pourrait faciliter l’espionnage chinois et pourquoi pas faciliter une opération de sabotage en cas de conflit entre les deux pays. Et Thomas Haldenwang poursuit avec une analyse « météo » des relations internationales : « la Russie, c’est un orage, mais la Chine, c’est le changement climatique ».
L’Allemagne peut-elle se passer de la Chine ?
La Chine est son deuxième client. Un million d’emplois allemands dépendent des exportations vers ce pays, soit 3% de la main d’œuvre totale. C’est beaucoup si la Chine venait à décider d’un embargo soudain sur les produits allemands, mais Berlin peut anticiper et diversifier ses débouchés. La Chine est aussi un fournisseur de premier plan pour les produits manufacturés bas de gamme comme les jouets, les meubles, les vêtements ou les chaussures. Ces biens peuvent être importés d’autres pays émergents. Il n’y a donc pas de danger sur ce volet import.
La dépendance est plus critique pour l’approvisionnement en matières premières stratégiques
L’Allemagne, comme le reste du monde, dépend de la Chine pour les terres rares. Des petits métaux indispensables pour les éoliennes. Tant qu’elle n’aura pas trouvé de substitut, elle préfère ménager ce précieux fournisseur. C’est aussi un pays clé pour son industrie automobile. Elle réalise 30% de son chiffre d’affaires sur le marché chinois. Et les grands groupes allemands continuent à miser sur ce pays. Ils ont investi sur place 10 milliards d’euros depuis le début de l’année. Un record.
Ce sont ces intérêts nationaux qu’Olaf Scholz veut défendre en se rendant ventre à terre à Pékin. Il est attendu la semaine prochaine. Ce sera donc le premier dirigeant étranger à rencontrer Xi Jinping depuis qu’il a été conforté à la tête du parti communiste chinois. Cette précipitation agace l’Élysée. La différence d’approche face à la Chine fait partie du contentieux franco-allemand. Emmanuel Macron pourra à loisir en discuter avec le chancelier qu’il reçoit ce mercredi 26 octobre à déjeuner, à l’Élysée.
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