Portraits de l’Amérique qui vote: les agriculteurs face à la sécheresse et à un avenir sans eau [2/8]
Publié le :
Au-delà des thèmes de l’inflation, de l’avortement et de la délinquance, un autre sujet s’est invité dans la campagne pour les élections de mi-mandat aux États-Unis : la sécheresse. En cause : le changement climatique. Portrait d’un agriculteur du désert qui craint pour son avenir
« Mon arrière-arrière-grand-père a commencé à cultiver la terre ici en 1919. Et depuis, ma famille n’a jamais arrêté. J’ai ça dans le sang. Pour moi, ce n’est pas un boulot, c’est un style de vie ». À 31 ans, Jace Miller est à la tête d’une exploitation agricole à Casa Grande, dans le comté de Pinal, un bastion du parti républicain. Depuis quelques années, sa famille s’est spécialisée dans la culture de la luzerne.
Mais quatre champs sur dix que Jace traverse à bord de son pick-up sont laissés en jachère. Le comté de Pinal a subi cette année les premières restrictions en eau du fleuve Colorado, frappé par une sécheresse historique. « Soixante-quinze pour cent de l’eau du Colorado est utilisée dans l’agriculture. Nous ne pouvons donc pas atteindre les objectifs de préservation de l’eau sans que les cultivateurs renoncent à une quantité importante », explique Sarah Porter, directrice du Centre pour la politique de l’eau à l’Université d’État de l’Arizona.
« Vous allez vous battre pour en avoir »
Une pénurie que le père de Jace, Bobby Miller, a vu venir. « Quand j’avais 16 ans, mon grand-père m’avait prévenu, se souvient-il : “Quand tu seras adulte, le Colorado va manquer d’eau. Vous allez devoir vous battre pour en avoir parce que l’eau vaudra plus que l’or“. »
On y est. Jamais le niveau du fleuve Colorado, qui alimente en eau sept États de l’Ouest américain, n’a été aussi bas. Le gouvernement fédéral a annoncé de nouvelles restrictions. À partir du 1er janvier, le comté de Pinal ne recevra plus aucune goutte d’eau du Colorado. « L’année prochaine, nous ne pourrons cultiver plus que 30 à 40% de nos terres. Mon papa et moi en parlons tous les jours : est-ce que nous allons devoir licencier des salariés ou vendre quelques machines ? », s’inquiète Jace.
La loi sur la réduction de l’inflation, signée en août par Joe Biden, comporte pourtant une enveloppe de quatre milliards de dollars destinés, entre autres, à soutenir les cultivateurs touchés par les restrictions en eau. C’est d’ailleurs un argument mis en avant par les candidats démocrates en Arizona. Mais les Miller n’y croient pas tant que l’argent ne se retrouve pas sur leur compte. La campagne électorale, c’est quelque chose qu’ils suivent de loin.
« Quand les villes ont commencé à pousser ici, nous avons perdu notre voix, que ce soit localement ou au niveau de l’État. Donc, je ne crois pas que notre vote compte. Nous n’avons plus assez de poids politique », confie Jace Miller. Mardi prochain, il ira quand même voter. « En bon citoyen », comme il dit.
► À écouter aussi : Portraits de l’Amérique qui vote: les retraités face à l’inflation qui ne faiblit pas [1/8]