Mimosa Echard, lauréate du prestigieux prix Marcel Duchamp 2022 avec ses «larmes en boucle»


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Avec son mur d’eau, doté de « larmes en boucle », Mimosa Echard a reçu lundi 17 octobre au Centre Pompidou à Paris la plus prestigieuse distinction en art contemporain dédiée aux artistes en France. Entretien avec la lauréate française de 36 ans du prix Marcel Duchamp 2022 qui affectionne les univers énigmatiques et ambivalents.

Née en 1986 à Alès, dans le sud de la France, Mimosa Echard a été formée à l’École nationale des arts décoratifs à Paris. Son travail très particulier avait déjà trouvé un écho positif lors d’expositions individuelles en France et à l’étranger. Après une résidence en 2019 à la Villa Kujoyama à Kyoto, elle avait présenté cette année à Paris Sporal au Palais de Tokyo. Une installation fascinante et parfois psychédélique basée sur l’idée de mémoire chez les myxomycètes, organismes unicellulaires en perpétuelle transformation, à mi-chemin entre le règne animal, végétal et celui des champignons. Entretien avec la lauréate 2022 du prix Marcel Duchamp sur sa nouvelle œuvre actuellement présentée au Centre Pompidou que Xavier Rey, directeur du Musée national d’art moderne, a félicité comme « un travail sans concession qui, grâce à un assemblage de matériaux, organiques et non organiques, naturels ou artificiels, souvent antagoniques, aboutit à un résultat formel assuré et protéiforme. »

RFI : Quel est pour vous l’aspect le plus inédit de votre installation ?

Mimosa Echard : Cette œuvre est nouvelle pour moi, ça, c’est sûr. C’est une installation à laquelle j’ai pensé depuis longtemps. Elle a trouvé sa place à Beaubourg. J’ai eu cette idée avec les murs d’eau, il y a dix ans. Cela a pris du temps pour la faire, mais je suis heureuse qu’elle soit là.

Tout le monde connaît l’allégorie de la caverne exposée par Platon pour nous signifier qu’on aperçoit seulement l’ombre de la vérité. Votre mur d’eau qui nous sépare des choses derrière ce mur « transparent » par une vision floutée, est-ce qu’il nous renvoie à l’ombre de la réalité ?

Je pense qu’il y a plein d’interprétations possibles et je n’ai vraiment pas envie d’y mettre des mots cloisonnants. D’une certaine manière, on peut y entrer de plein de façons différentes. Est-ce un tableau liquide ? Une image cryptée ? Un urinoir en boucle ? J’aime bien laisser aussi de la place pour l’interprétation.

Vue sur l’œuvre de Mimosa Echard, exposée au Centre Pompidou-Paris, lauréate du prestigieux prix Marcel Duchamp 2022.
Vue sur l’œuvre de Mimosa Echard, exposée au Centre Pompidou-Paris, lauréate du prestigieux prix Marcel Duchamp 2022. © Siegfried Forster / RFI

C’est une œuvre à la fois tactile et inaccessible, en même temps monumental par sa dimension et minimaliste par les éléments assez « basiques » comme des petites photos, un dessin, une télévision, une feuille de papier, un tissu crocheté… L’un des points de départ de votre œuvre, est-ce que c’était une fascination pour l’antagonisme ?

Non, pas vraiment. Mais c’est vrai, souvent les choses contradictoires m’intéressent plus. Oui, l’œuvre est tactile et inaccessible, mais, en fait, on peut toucher l’eau ! Personne ne l’a fait, mais c’est une possibilité [sourire].

Était-ce voulu que votre œuvre soit impressionnante au point que les visiteurs n’osent pas toucher l’eau qui coule ?

Ça, c’était une surprise pour moi. Je pensais que tout le monde allait mettre les mains dedans. Mais je suis plutôt contente pour la sécurité du Centre Pompidou… C’est plutôt une bonne surprise. Ensuite, c’est plutôt un tableau liquide, une image cryptée, c’est aussi un peu une architecture un peu « corporate ». Je me suis inspirée aussi de certaines architectures qu’on voit dans la rue, de lobby, de banque, mais cela pourrait être aussi un écran de cinéma. C’est vraiment un peu entre les limites de l’espace et l’objet 2D.

Vue sur l’œuvre de Mimosa Echard, exposée au Centre Pompidou-Paris, lauréate du prestigieux prix Marcel Duchamp 2022.
Vue sur l’œuvre de Mimosa Echard, exposée au Centre Pompidou-Paris, lauréate du prestigieux prix Marcel Duchamp 2022. © Siegfried Forster / RFI

Cet écran géant qui nous projette des images s’avère aussi être un écran géant qui rend toute information floue. Est-ce une métaphore de notre temps actuel ?

Oui, certainement. Il y avait cette idée de flux incessant qui faisait aussi référence à la fois au capital, à l’information. En même temps, pour moi, c’étaient aussi des larmes en boucle. Mais des larmes de machines. Ce sont toutes ces choses comme ça qui se tissent les unes avec les autres. C’est ainsi que j’ai construit la pièce.

Vue sur l’œuvre de Mimosa Echard, exposée au Centre Pompidou-Paris, lauréate du prestigieux prix Marcel Duchamp 2022.
Vue sur l’œuvre de Mimosa Echard, exposée au Centre Pompidou-Paris, lauréate du prestigieux prix Marcel Duchamp 2022. © Siegfried Forster / RFI

► L’exposition de la lauréate Mimosa Echard, ainsi que celle des autres finalistes (Giulia Andreani, Iván Argote, Philippe Decrauzat) du prix Duchamp, est encore visible jusqu’au 2 janvier 2023 au Centre Pompidou à Paris.



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