Maud Caillaux: «Réorienter les flux financiers vers la transition» écologique avec Green-Got



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Maud Caillaux est co-fondatrice de la banque en ligne Green-Got. Une nouvelle venue dans le secteur qui prend le contrepied d’un grand nombre d’établissements. Entre 2016 et 2021, selon Banking on Climate Chaos, les 60 plus grandes banques au monde ont financé les énergies fossiles à hauteur de 4 600 milliards de dollars. À deux jours de l’ouverture de la COP27, la conférence sur le changement climatique à Charm el-Cheikh en Égypte, rencontre avec Maud Caillaux.

Petite, Maud Caillaux ne s’imaginait pas banquière. La jeune femme a suivi des études de commerce avec un rêve en tête : travailler dans le luxe. Un rêve qu’elle accomplit, avant de déchanter et de se tourner vers la finance à New York puis à Paris. Une réorientation guidée par une prise de conscience sur le réchauffement climatique.

« Je suis complètement tombée des nues, il y a un peu plus de cinq ans sur les conséquences réelles d’un réchauffement à+2°C, explique-t-elle. Quand j’ai découvert l’ampleur de cette catastrophe qui arrive sur nous, j’ai cherché ce qui pouvait avoir le plus d’impact » pour changer la donne. « Quand on tire le fil d’Ariane, on trouve la chose la plus importante, qui était sous notre nez depuis le début, à savoir l’argent, la finance, la banque. »

Elle co-fonde donc Green-Got. La néo-banque doit son nom à un jeu de mot entre « ingot », le lingot en anglais et « green » : un lingot vert donc. Mais, l’argent déposé sur les comptes de la banque en ligne ne dort pas dans un coffre sous forme de lingot. « Aujourd’hui, on finance trois projets avec le compte courant. On participe à préserver, sanctuariser des parcelles de forêt amazonienne. On finance aussi le déploiement d’énergies renouvelables dans des pays où la production d’électricité est encore très dépendante du charbon ou des énergies fossiles. Et on participe au financement de l’ONG Wings of the Ocean qui retire du plastique des mers et des océans ».

Moins de six mois après l’ouverture au public, il est « encore trop tôt » pour savoir à combien s’élèveront les financements, explique de son côté Léopold Guyot. Le responsable des partenariats de Wings of the Ocean a néanmoins trouvé des gages de « sérieux » chez Green-Got y compris dans des gestes symboliques, comme la participation de « leur équipe à une opération de nettoyage à Paris ».

Aujourd’hui, Green-Got compte plus de 7500 membres, une goutte d’eau dans le monde bancaire. Mais cela va bien au-delà des objectifs du jeune établissement, qui pour l’instant ne propose qu’un compte courant, mais prépare un produit épargne pour la fin de l’année.  

Une initiative saluée avant même le lancement cette année des comptes courants (en France et bientôt en Belgique) de la banque en ligne. L’an dernier, Maud Caillaux a été nommée par Forbes pour son classement des personnalités de moins de 30 ans. Un encouragement après des débuts pas toujours faciles.

« Je suis une jeune femme de 28 ans [25 ans quand le projet est lancé, ndlr], qui vient en expliquant qu’il faudrait changer les choses à des personnes plus âgées plutôt masculines. Donc, les débuts ont été un peu froids, se rappelle Maud Caillaux. Beaucoup, beaucoup de portes se sont fermées. Mais quelques une se sont ouvertes. » Des personnes qui baignaient dans la tradition de la banque ont aussi « cru et croient toujours qu’il faut un nouveau modèle bancaire et elles nous ont soutenus ».

« La force du collectif »

Maud Caillaux entend donc dépoussiérer la banque. En charge du marketing, elle table aussi sur une communication moderne. Green-Got est très actif sur les réseaux sociaux.Le logo, un petit renard prénommé Echo, a d’ailleurs été choisi par ce biais-là.

« On fait beaucoup de choses avec notre communauté. Ce projet est très ambitieux, donc on s’est dit, plutôt que de n’être que trois soyons 1000, 10 000, 100 000. Aujourd’hui, on est plus de 200 000. Ils choisissent avec nous des projets. On est vraiment sur une co-création. On croit beaucoup à l’intelligence et à la force du collectif », s’enthousiasme la cofondatrice de Green-Got. Sur les réseaux Instagram, TikTok ou encore LinkedIn, Green-Got fait beaucoup de vulgarisation. « On va essayer de rendre plus compréhensibles et attractives des notions de finance et d’écologie qui quelques fois sont soit pas du tout connues, soit très mal comprises. » Des décryptages accompagnés, évidemment, d’une publicité pour Green-Got.

Maud Caillaux elle-même s’est en partie intéressée à l’écologie via internet.  J’ai eu la chance d’évoluer toute ma jeunesse dans la nature, à la campagne, avec un papa qui nous a beaucoup éveillées sur le vivant. Mais, au niveau vraiment de la crise climatique, j’ai eu très peu d’éducation. C’est en écoutant des podcasts de Jean-Marc Jancovici, d’Aurélien Barrau, que j’en ai compris l’importance, que s’est s’imposée à moi l’idée d’absolument tout faire pour essayer de changer ça. »

La nature est aussi son échappatoire. « Je peux vraiment rester devant un arbre pendant une heure à regarder les feuilles bougées sous une jolie lumière, celle de 5h avant le coucher du soleil. » Elle fuit Paris lorsqu’elle le peut pour retrouver la campagne bourguignonne où elle a ses racines.

« Le courage des Iraniennes est d’une inspiration folle »

Une partie de ses racines car Maud Caillaux est franco-iranienne.Elle a d’ailleurs suivi à distance les manifestations en Iran, manifestations déclenchées par la mort de Mahsa Amini après son arrestation par la police des mœurs.

« Je suis absolument impressionnée par le courage de ces femmes, confie-t-elle. J’espère de tout mon cœur que j’aurais pu et que je pourrai l’avoir un jour, même si j’en doute. Je suis extrêmement fière de faire partie, d’une certaine manière en tout cas, de cette lignée de femmes dont le courage est d’une inspiration folle. »

Elle affectionne d’ailleurs une citation de Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ». Maud Caillaux aime se la répéter : une manière de se donner du courage.



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