L’Occident doit-il payer la facture des inondations meurtrières qui ravagent le Pakistan?
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Cette catastrophe est considérée comme une conséquence directe du réchauffement climatique engendré par les émissions des pays riches. D’où la demande pressante du gouvernement d’Islamabad.
Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies qui sera sur place en fin de semaine, a très vite évoqué une « catastrophe climatique ». Une catastrophe apocalyptique : le tiers du pays est sous les eaux après les pics de canicule et de sécheresse du printemps. Ces moussons meurtrières, alimentées entre autres par la fonte ultra rapide des nombreux glaciers du Pakistan, sont loin d’être terminées. Un nouveau déluge de précipitations est annoncé pour la mi-septembre. De par sa géographie, ce grand pays du sud-est asiatique est clairement identifié comme l’un des plus exposés au changement climatique. Il est classé parmi les dix pays les plus vulnérables, selon le Global Climate index 2021.
Le Premier ministre pakistanais et son équipe demandent que les pays pollueurs soient les payeurs
Dans un entretien au Guardian, la ministre pakistanaise du Changement climatique, Sherry Rehman, rappelle à qui veut l’entendre que son pays n’est responsable que de 1% des émissions de gaz à effet de serre. Il ne peut donc pas être tenu pour responsable des dégâts qu’il endure en ce moment. Des centaines de ponts et de routes sont à reconstruire, sans parler des millions de maisons et d’une bonne partie de la production agricole anéanties par cette catastrophe. La facture est estimée à environ 10 milliards de dollars.
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Et pour le moment, personne n’est prêt à régler l’addition au titre d’un dédommagement au nom du réchauffement de la planète. Plusieurs pays du Golfe, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar, ont rapidement signé des chèques. En raison de leur proximité religieuse et diplomatique avec Islamabad. Mais pas en tant que puissances pétrolières soucieuses des répercussions climatiques de leur économie.
Le FMI a également promis un nouveau prêt dans le cadre classique de ses interventions
C’est la vingt-deuxième du fonds en faveur de cet État en situation de stress financier quasi permanent depuis 60 ans. Avant même ce déluge, le Pakistan était au bord du défaut de paiement, déjà en négociation avec le fonds pour éviter la banqueroute. Dans ce pays né de la scission avec l’Inde, les dépenses militaires ont été privilégiées au détriment du développement. Le pays importe aujourd’hui bien plus qu’il n’exporte et sa croissance est bien trop faible pour fournir des recettes fiscales conséquentes.
Les gouvernements qui se sont succédé sont comptables de ces échecs économiques, de la mauvaise gouvernance et de la corruption qui gangrène l’activité, et donc du niveau de pauvreté qui explique aussi en partie l’ampleur des dégâts. En revanche, ils ne sont pas responsables du déchainement de la météo et Islamabad utilisera toutes les instances pour faire avancer sa cause.
La question sera abordée à la Cop 27 prévue en Égypte en novembre
Le Pakistan préside actuellement le groupe des 77, un groupe de pays en développement plus la Chine qui cherche à promouvoir ses intérêts au niveau global. Le Premier ministre Shehbaz Sharif veut utiliser cette tribune pour diffuser son message à Charm el-Cheikh. Une cause perdue d’avance selon les habitués des conférences climat. À Glasgow, le sujet a déjà été âprement discuté et retoqué, sous la pression des États-Unis, suivi par les autres gros émetteurs de carbone. Ils sont aujourd’hui confrontés à une double crise : celles du climat et de l’énergie. Ils cherchent à diminuer leurs émissions et à changer leur mixte énergétique. En revanche, ils restent très discrets sur les compensations et sur le financement de l’adaptation pour les pays victimes du changement climatique. C’est littéralement la politique de la chaise vide. Le 5 septembre, aucun chef d’État européen ne s’est déplacé à Rotterdam pour participer au sommet pour l’adaptation au climat en Afrique.
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