Les pénuries de médicaments, la faute à l’industrie?
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L’amoxicilline, un antibiotique prescrit aux enfants, est désormais rationné dans les pharmacies françaises. La perspective de cette nouvelle pénurie souligne une nouvelle fois les failles de l’industrie pharmaceutique.
Ce médicament basique, massivement répandu, pourrait faire défaut. Comme les masques ont manqué au début de la pandémie de Covid-19. Cette défaillance n’est pas une exception française. L’amoxicilline manque également dans toute l’Europe, aux États-Unis, au Canada ou en Australie, pour ne citer que les pays occidentaux. Partout dans le monde, il est de plus en plus difficile de s’approvisionner en médicaments. Que ce soit des médicaments de tous les jours, des anti-cancéreux ou des produits intermédiaires employés dans les hôpitaux en adjuvant. Pour revenir à l’exemple français, au moins d’août plus d’un médicament sur dix étaient signalé en tension. Même le paracétamol pourrait bientôt être en rupture de stock.
En France, les pénuries sont de plus en plus fréquentes à partir de 2008
C’est à partir de cette époque que le phénomène s’installe dans le monde entier. Il ne fait que s’amplifier depuis. Dans le cas de l’antibiotique destiné aux enfants, les industriels français expliquent qu’ils ont diminué la production pendant la pandémie faute de demande, mais qu’aujourd’hui la consommation est repartie de plus belle. En revanche dans d’autres pays, on reconnaît que le problème vient surtout de la chaîne de fabrication du médicament. Les principes actifs sont fabriqués essentiellement en Chine, puis importés par l’Inde, puis par les grands laboratoires occidentaux qui dominent le marché mondial. Le moindre grain de sable dans cette filière d’approvisionnement compromet la production. Après le coronavirus, c’est maintenant la guerre en Ukraine et les tensions géopolitiques qui désorganisent cette chaîne. L’inflation des matières premières, de l’énergie et du gaz accentuent les difficultés de la production. Ces contraintes sont bien réelles, mais elles ne suffisent pas à expliquer des pénuries bien installées.
Les médicaments concernés sont souvent les plus anciens et donc les moins rentables
En France, 60% des molécules en tension sont des médicaments anciens indique un rapport parlementaire. Leur fabrication est moins juteuse que celle des blockbusters. Il y a donc souvent très peu de concurrence pour les proposer. Aux États-Unis, 40% des génériques ont un producteur unique, il suffit donc d’un problème dans une usine pour affecter le marché mondial du produit. En France, où le prix du médicament est contrôlé par l’État, les laboratoires se plaignent d’une rémunération trop faible pour motiver des efforts supplémentaires. En ce moment, les grands laboratoires investissent massivement dans la recherche d’un remède à l’obésité. Le marché est estimé à 50 milliards de dollars. Ce type de molécule pourrait être la nouvelle vache à lait de l’industrie pharmaceutique, comme l’ont été les traitements pour l’hypertension dans le passé. Le modèle économique de cette industrie l’incline à privilégier les blockbusters aux détriments de la pharmacopée de base.
Pour remédier à ces pénuries, le gouvernement français encourage la relocalisation de l’industrie
Les vertus de la souveraineté sanitaire sont redevenues d’actualité avec la pandémie. Cette ambition est coûteuse et longue à mettre en œuvre. Il faut que les laboratoires s’y prêtent et que les territoires soient prêts à accueillir des usines réputées polluantes. Il faut aussi que les pouvoirs publics soient prêts à mieux rémunérer certains médicaments. Si le marché ne parvient pas à satisfaire la demande, faut-il envisager la création d’une industrie publique du médicament ? C’est ce que préconise l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament.