Le régime iranien fait face à des critiques de plus en plus nombreuses
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C’est le 16 septembre que les manifestations ont commencé en Iran avec la mort de Mahsa Amini, jeune femme arrêtée trois jours plus tôt à Téhéran pour un port de voile non conforme. Depuis désormais près de deux mois, la protestation n’a pas faibli, malgré la violente répression menée par le régime : tirs sur des manifestants, nombreuses arrestations, mais malgré tout le mouvement se poursuit. Et le régime fait face à des critiques en son sein sur sa gestion de ces protestations.
Au sein des forces de l’ordre iraniennes, la politique répressive est de plus en plus critiquée et notamment sur les réseaux sociaux, comme l’a expliqué à RFI, Stéphane Dudoignon, chercheur au CNRS, spécialiste de l’Iran. « Une certaine mauvaise humeur de la troupe, voire d’officiers de rang intermédiaire, commence à se répandre, de manière pour le moment tout à fait anonyme, avec des messages de protestation », note-t-il.
Il y a aussi par endroits, selon lui, « un zèle extrêmement relatif, une très grande réticence à tirer sur la foule. Il y a un clivage hiérarchique et donc générationnel. La réticence à tirer sur la foule va concerner soit les soldats, les simples soldats, soit des conscrits, soit de jeunes officiers : un clivage générationnel entre la base de la pyramide et son sommet. À l’étage de l’état-major, on aura en effet une unité, en tout cas de façade, beaucoup plus importante. Cela étant, les appels à l’unité de la troupe, que l’on entend de plus en plus de la part de cet état-major, sont aussi un indice que la mobilisation ne va pas de soi et que dans les garnisons, il y a une certaine réticence dans le fait de se trouver associé à une politique uniquement répressive. »
« L’institution religieuse est extrêmement divisée »
Ce mouvement de protestation inédit contre le régime iranien vise directement le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei et, de manière générale, les religieux, soutiens du régime. Sur les réseaux sociaux, des Iraniens publient des vidéos montrant des protestataires qui font tomber la coiffe de mollahs marchant dans les rues du pays. « On sent poindre partout une hostilité croissante vis-à-vis d’une partie de l’establishment religieux, même si cette violence n’est pas systématique et même si, on a vu, dans des régions très différentes de l’Iran, les imams, de très grands notables religieux, s’élever contre le traitement purement répressif par la République islamique et par le guide Ali Khamenei », explique Stéphane Dudoignon.
Lors de cérémonies funèbres pour l’enterrement, ou le quarantième jour anniversaire de la mort de manifestants ou manifestantes, des rituels funéraires chiites ont en effet associé le souvenir du martyr, de l’imam Hussein à des cris de « Mort au dictateur». « Aujourd’hui, l’institution religieuse est extrêmement divisée, et une part considérable d’entre elle, soit se trouve associée au mouvement de protestation par ces cérémonies funéraires, soit se montre de plus en plus consciente de la menace que la politique du tout répressif du pouvoir fait peser sur l’ensemble de l’institution religieuse en Iran aujourd’hui », précise le spécialiste de l’Iran.
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