Le Liban au bord d’une grave crise constitutionnelle
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Cela fait maintenant trois ans que le Liban est frappé par l’une des pires crises économiques au monde en 150 ans, selon la Banque mondiale. Plus de 80% de la population a basculé dans la pauvreté, l’État ne fournit plus les services de bases, les pénuries diverses se multiplient, le pouvoir d’achat s’est effondré et les prix ont explosé. La situation s’est fortement dégradée depuis l’explosion du port de Beyrouth qui a fait, le 4 août 2020, 220 morts, plus de 6 500 blessés et détruit une partie de la capitale. Le Liban est pratiquement aujourd’hui un État failli, mais comme si tous ces malheurs ne suffisaient pas, le pays est au seuil d’une grave crise constitutionnelle.
De notre correspondant à Beyrouth,
La forte polarisation politique et l’absence d’une majorité claire au Parlement laissent croire que l’élection d’un successeur à Michel Aoun à la présidence de la République n’aura pas lieu d’ici au 31 octobre, comme le prévoit la Constitution. Aucune coalition politique n’est en mesure d’assurer le quorum des deux-tiers des membres de la Chambre pour élire un nouveau chef de l’État. Seul un compromis sur un candidat accepté de toutes les forces politiques est susceptible de débloquer la situation.
Or, à ce stade, aucun accord n’est en vue, même entre des forces censées être alliées, comme le Courant patriotique libre chrétien, fondé par Michel Aoun et aujourd’hui dirigé par son gendre Gebran Bassil, et le mouvement Amal chiite du président du Parlement Nabih Berri, le torchon brûle. Malgré son influence, le Hezbollah ne parvient pas à calmer le jeu entre ses alliés. De l’autre côté du spectre politique, les désaccords règnent entre les Forces libanaises chrétiennes de Samir Geagea et le bloc des 13 députés proches du mouvement de contestation. Dans ce paysage morcelé, aucun compromis n’est possible.
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Une situation qui semble sans issue
Il y a donc de forts risques que la fonction présidentielle, réservée aux maronites dans le système confessionnel libanais, soit vacante à partir du 1er novembre, et ce ne sera pas la première fois. Déjà en 2007, après la fin du mandat du président Émile Lahoud, le pays est resté sept mois sans président ; et en 2013, après la fin du sexennat de Michel Sleiman, les députés ont été incapables d’élire un successeur pendant plus de deux ans et demi, jusqu’à ce qu’un compromis entre les principales forces politiques soit conclu autour de la candidature de Michel Aoun.
Selon la Constitution, en cas de vacance du poste de président de la République, c’est le gouvernement qui hérite des prérogatives présidentielles. Cela s’est déjà produit à deux reprises entre 2007 et 2008 et entre 2013 et 2016, mais la situation aujourd’hui est différente : le gouvernement actuel dirigé par Nagib Mikati est chargé d’expédier les affaires courantes depuis les élections législatives de mai dernier. La Constitution ne précise pas si un gouvernement démissionnaire est habilité à exercer les fonctions présidentielles.
D’ores et déjà, le Courant patriotique libre a déclaré qu’il contesterait la légitimité de ce cabinet et appelle à la formation d’un nouveau gouvernement avant la fin du mandat. Mais ce processus se heurte aux exigences des principales forces politiques. Sauf miracle d’ici à six semaines, la situation semble sans issue.
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