la justice française se penche sur la personnalité de Kunti Camara
Publié le :
Accusé d’avoir commis des crimes contre l’humanité dans les années 1990, Kunti Kamara est aujourd’hui devant la justice française. Au deuxième jour de son procès, la Cour a examiné sa personnalité.
Avec notre envoyé spécial au tribunal correctionnel de Paris, Sébastien Nemeth
« Intelligent », « serviable », mais aussi « calme », réservé, voire « renfermé ». Voilà comment son entourage décrit Kunti Camara depuis qu’il est installé en France, puisque l’enquêtrice de personnalité n’a pas pu interroger de personnes vivant au Liberia.
L’accusé, toujours dans son blouson noir, a de nouveau écouté patiemment. Il a notamment pu revoir deux hommes, des Libériens installés en France, défendre son cas à la barre. « Il était très gentil. Si vous trouvez quelqu’un pour dire du mal de lui, mettez-moi en prison à vie ! », a déclaré l’ancien président des Libériens de Normandie. Ce dernier a estimé que les accusations contre Kunti Camara avaient été fabriquées par un réseau malveillant, qui aurait payé des gens pour réaliser de faux témoignages.
Un autre Libérien, qui a connu l’accusé étant jeune et l’hébergeait à Bobigny lorsqu’il a été arrêté, a expliqué qu’il n’aurait jamais accueilli Kunti Camara s’il était un criminel de guerre. « J’ai pleuré quand j’ai entendu ces accusations. Mon père a été tué pendant la guerre. J’aurais moi aussi pu prendre les armes. Je ne l’aurais jamais laissé avec mon épouse et mes enfants », a déclaré Layi Bamba. Ce dernier dit avoir interrogé des connaissances au Liberia. « C’était juste un simple soldat. Personne n’a dit du mal de lui », a indiqué cet ancien réfugié naturalisé.
L’ancien commandant des rebelles de l’Ulimo sait aussi défendre son cas avec énergie. Pressé par le président de la Cour sur des différences de versions, Kunti Camara a retrouvé de l’énergie, brandissant son doigt, élevant la voix. « Monsieur, je pose les questions, vous répondez », a rétorqué fermement le magistrat.
Mais finalement, comment peut-il y avoir un tel décalage entre une personnalité banale et de tels crimes de sang, s’est interrogée plusieurs fois la cour ? « Des atrocités peuvent être commises dans un contexte historique. Pas besoin d’être un pervers ou un psychopathe. Et il est possible ensuite de se reconstruire dans la négation », a indiqué l’expert psychiatre. Le Dr Daniel Zagury sait de quoi il parle. Il a notamment interrogé des génocidaires rwandais. On peut passer de « M. Tout le Monstre à M. Tout le Monde », a indiqué l’expert, refusant toutefois de dire si Kunti Camara était capable de tels crimes.
Aucun de ces témoins n’a directement connu Kunti Camara lorsqu’il était commandant des rebelles de l’Ulimo dans les années 1990. Et c’est bien là le fond de l’affaire qui sera abordé dans quelques jours avec des témoins venus du Liberia.
► À lire aussi Liberia: au premier jour de son procès, Kunti Kamara continue de nier en bloc