la jeunesse iranienne «nous donne vraiment des leçons»
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En Iran, la mobilisation ne faiblit pas, un mois après la mort de la jeune Kurde Mahsa Amini. La comédienne d’origine iranienne Golshifteh Farahani, qui vit en exil en France depuis quinze ans, se fait le porte-voix de ces manifestants sur son compte Instagram.
RFI : Qu’avez-vous ressenti quand vous avez vu le soulèvement après la mort de Mahsa Amini ?
Golshifteh Farahani :Quand on est née en tant que fille, on est née avec la moitié des droits par rapport à un homme. La grande différence, c’est que l’on retrouve dans ces manifestations des adolescents et une génération qui n’a pas peur, qui n’a pas honte, qui a beaucoup de courage. Nous, on était très peureux.
Votre génération était peureuse ?
Beaucoup. On arrivait toujours à faire ce qu’on avait envie de faire, mais on vivait en cachette. Mais cette génération-là ne veut pas être cachée. Et cette génération en réalité, c’est notre enfant à nous. Nous, on a apporté beaucoup l’idéologie et la philosophie de nos parents. Mais notre génération n’a pas passé ça à nos enfants. Ils ne veulent pas de gauche et de droite, ils veulent de la liberté. C’est très simple. On est tous bouleversés, ils nous donnent des leçons vraiment. Il y a eu beaucoup de mobilisations ces 43 dernières années [depuis la Révolution islamique de 1979, NDLR]. Mais celle-là, c’est différent, parce qu’elle est faite par cette génération-là qui, quand j’ai quitté l’Iran, avait 4-5 ans. C’était il y a 15 ans. Et là, ils ont tous grandi, ils sont dans les rues. Ce sont des écoliers, ils vont à l’école, ils crient, ils reviennent à la maison, ils crient. Alors c’est quelque chose qui ne va pas s’arrêter parce que c’est la révolution des adolescents. Comment peuvent-ils arrêter les écoliers qui vont à l’école, qui crient « Femmes, vie, liberté » ?
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Vous avez des contacts sur place en Iran ?
Non. C’est drôle que je n’aie pas beaucoup d’amis qui habitent en Iran. Mais je reçois beaucoup de vidéos, des gens qui me l’envoient d’Iran. Je suis devenue un média à part entière. Ma page Instagram, c’est comme un CNN, BBC (rires). Mais comme je sens aussi cette responsabilité. Toute seule, c’est un peu lourd, mais ce n’est rien à comparer à ce que les gens vivent dans les rues en Iran.
Parce que vous partagez sur votre compte Instagram, c’est ça ? Vous avez 14 millions d’abonnés et vous partagez ce qu’on vous envoie ?
Oui. Je partage et en plus, je choisis. C’est ça qui est important. Et je traduis, pas seulement les mots, mais les subtilités culturelles, parce qu’on ne peut pas aussi pousser les gens vers une chose très noire qu’ils vont zapper, qu’ils ne vont pas voir. Je connais la France aussi, je connais la mentalité française. Au début, je ne savais pas pourquoi les gens n’en parlaient pas. Ils ont peur de l’islamophobie en France. La liberté, c’est pour les femmes de pouvoir porter le voile, alors que c’est vraiment une contradiction énorme. Ce n’est pas un mouvement contre le voile, c’est un mouvement pour la liberté de choix. Ce n’est pas pour l’islam ou contre l’islam, ou pour le voile. Non. C’est pour la liberté de choix, c’est tout.
Ce qui est impressionnant, c’est que vous parlez de la génération des jeunes filles. Il y a aussi des hommes. Cela vous semble assez nouveau ?
C’est nouveau et je crois, c’est historique. On n’a jamais vu un mouvement pour les femmes, pour la liberté des femmes avec autant d’hommes qui marchent dans la rue. Et c’est pour cela que je trouve que ce n’est pas assez apprécié, pas assez célébré. C’est pour cela que ça va durer. Les choses qui se passent en ce moment, c’est comme en 1979. Les écoles qui s’arrêtent, les usines pétrochimiques en grève. Chaque jour que ce mouvement vit, on a gagné.
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