La crise économique au Liban pousse de nombreux candidats à l’émigration clandestine



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Il y a huit jours, une barque surchargée de migrants partie du Liban coulait en mer, au large de Tartous, en Syrie. Bilan dramatique : au moins cent morts avec à son bord des Libanais, des Syriens et des Palestiniens. Cette tragédie a braqué les projecteurs sur le nord du Liban où les départs clandestins vers l’Europe ont augmenté depuis 2020. La majorité des passagers sont Syriens rejoints par un nombre croissant de Libanais. En cause, l’effondrement, au Liban et en Syrie.

Pêcheur du village d’Arida, Khaled Ali arrange ses filets près du fleuve Al-Kébir, qui se jette dans la Méditerranée ; sur l’autre rive, c’est la Syrie. Le nord du Liban est une région pauvre, isolée, avec une longue côte devenue un lieu de départs clandestins vers l’Europe. Un trafic que les pêcheurs voient grossir témoigne Khaled.

« Avant, le trafic était faible, une barque par mois, maintenant, chaque jour il y a une ou deux barques. Ici à Arida, si on entre dix mètres en eau syrienne, le radar le détecte et on est intercepté. Les gens ne partent pas d’ici, mais de la côte voisine : Minié, Abdé, Cheikh Zennad. »

Au bord du fleuve qui baigne Arida, Ahmed Nedawi, un autre pêcheur, montre les barques, à l’arrêt. Ce genre d’embarcations est devenu convoité par les trafiquants.

« Des gens viennent sans cesse se renseigner pour acheter une barque. Mais c’est notre gagne-pain, on ne le vend pas. Avant, ça coûtait autour de 10 000 dollars. Aujourd’hui, c’est 25 000 ou 30 000. »

Les pêcheurs d’Arida le jurent : le trafic ne part pas de chez eux. Mais dans d’autres villages, des hommes se sont mis à travailler, comme sentinelles. Au service de réseaux qui s’enrichissent. Khaled le pêcheur a perdu son cousin Ali, disparu dans le récent naufrage au large de Tartous.

«C’est la crise qui alimente ces départs»

« Mon cousin Ali voulait partir pour avoir un avenir et aider sa famille ici. C’est la crise qui alimente ces départs. Mais sans réseaux, il n’y aurait pas de traversées. Ces trafiquants persuadent les gens que d’autres sont arrivés en Europe sans encombre. Les gens vendent ce qu’ils ont, et ils partent. »

Depuis le naufrage de Tartous, plusieurs villages du nord sont en deuil. À Qarqaf, où l’on vit de la terre, les habitants pleurent une mère, Salma, et ses quatre enfants. Seul le père des petits, Wissam Tellawi, a survécu, explique Abdel Rahman, l’oncle de Salma.

« Wissam a cédé sa maison et ses terres au trafiquant et payé un peu d’argent pour voyager avec sa famille. Je ne connais pas personnellement ce trafiquant, mais il est d’un village voisin. Cela faisait un an que Wissam voulait voyager par la mer. Son beau-père le lui avait interdit. Nous ne savions pas qu’ils étaient partis. Nous, les proches de Salma, nous ne voulions pas qu’elle fasse ce voyage. »

La maison, depuis, accueille des condoléances. Pour Abdel Rahman, pas de doute, c’est le désespoir causé par la crise au Liban qui a poussé la famille à partir.

« Le plus jeune fils de Salma avait des problèmes d’élocution. Elle pensait qu’ici elle ne pourrait pas le soigner, mais qu’ailleurs ils se seraient peut-être occupés de lui, et que les enfants auraient reçu une bonne éducation. Ils visaient l’Italie, puis de là, d’aller en Allemagne. »

Dans la région, les habitants sont persuadés que les départs clandestins vont se poursuivre, malgré le danger de la mer.

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