la Colombie condamnée par la Cour interaméricaine des droits de l’homme
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Dans les années 1980 et 1990, l’État colombien a «exterminé» plus de 6000 militants et membre de l’Union patriotique, un parti politique communiste. C’est le jugement rendu par la Cour interaméricaine des droits de l’homme en début de semaine. Pour le président colombien Gustavo Petro, c’est bien la preuve que la Colombie a été « un État assassin » et que seule la lutte contre l’impunité à travers des tribunaux nationaux et internationaux peuvent y mettre fin.
Fondée en 1985 après un accord l’année précédente entre le gouvernement colombien et la guérilla des Farc, l’Union patriotique arrive rapidement à conquérir plusieurs municipalités et sièges à l’Assemblée. Elle comptait 14 congressistes, 18 députés et 335 conseillers et obtint un large soutien dans des régions telles que le nord-est d’Antioquia, le Bajo Cauca, le Magdalena Medio, l’Urabá, le Chocó, l’Arauca et même Medellín.
Mais ses succès politiques dérangent. Pour les contrer, une alliance secrète se crée : politiciens traditionnels de droite, policiers, hommes d’affaires et paramilitaires se lancent dans une campagne « d’extermination systématique » des membres et des militants de l’Union patriotique : massacres, exécutions, tortures et déplacements forcés. Quelque 6000 personnes sont assassinées ou disparaissent. C’est le résultat d’une enquête lancée en février 2021 par la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Enquête qui a abouti à la condamnation de la Colombie, en début de semaine.
La Cour interaméricaine des droits de l’Homme a accordé un délai maximal de deux ans à la Colombie pour mener des enquêtes, identifier toutes les victimes, établir les faits et punir les responsables. Jusqu’ici, les crimes commis contre les 6 000 militants et membres de l’Union patriotique ont été couverts par un appareil judiciaire peu enclin à poursuivre leurs auteurs et leurs commanditaires.
Carlos Andrés Perez fait partie des rares survivants de cette liquidation organisée. Cet ancien maire de Chirigodó (Antioquia) a dû s’exiler en Suisse. « J’ai été très ému par ce jugement, témoigne l’ancien responsable politique au micro de RFI. Il est le résultat de près de trente années de lutte pour obtenir justice. Beaucoup des nôtres sont morts. Pour être en paix, il nous faut aussi chercher et identifier les disparus. »
Le parti est réapparu au début de la dernière décennie et fait maintenant partie du « Pacte historique », une coalition de gauche qui a gagné l’élection présidentielle de 2022 derrière la bannière de Gustavo Petro.
En Colombie, la JEP, la cour spéciale de la paix, a aussi de son côté ouvert une enquête appelée le « méga-dossier 06 », sur ces meurtres, sous la houlette du magistrat Gustavo Salazar. Elle a établi dans un premier rapport rendu public en avril dernier le nombre de victimes et poursuit son enquête sur les responsabilités de l’État colombien.
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