La Chine pressée d’alléger la dette des pays pauvres
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En début de semaine l’Équateur a annoncé la signature d’un accord avec son plus gros créancier, la Chine. Avec cette restructuration de dette, la Chine vient au secours d’un pays en plein désarroi financier. Est-elle en train de se substituer au FMI?
Ce n’est pas la première fois que la Chine propose de fait un plan de sauvetage à l’un de ses emprunteurs, et elle sera sans doute amenée à le refaire de plus en plus souvent. Car aujourd’hui 60% des prêts qu’elle a accordés à l’étranger sont dus par des États en situation de stress financier, c’était 5% seulement en 2010 selon une étude réalisée au printemps avec le concours d’un économiste de la Banque mondiale. C’est au cours de ces dix dernières années que la Chine est devenue le principal créancier de l’Équateur. Ces prêts obtenus à des conditions très avantageuses pour Pékin, avec notamment des contrats de vente à long terme de pétrole, sont devenus un véritable boulet avec la dégradation de l’économie. Le choc de la pandémie, et maintenant l’inflation qui galope et la remontée des taux américains, mettent l’Équateur en grande difficulté.
Un schéma qu’on retrouve dans des dizaines et des dizaines de pays très endettés à l’égard de Pékin
Quarante-quatre pays doivent rembourser à la Chine une dette représentant au moins 10% de leur PIB. Leur avenir est aujourd’hui compromis par la charge des remboursements. Si la Chine n’allège pas le fardeau des pays pauvres, leur croissance sera durablement bridée, a prévenu hier un conseiller de la secrétaire américaine au trésor Janet Yellen. Une nouvelle attaque sur le thème du piège de la dette chinoise. D’après ce conseiller « le rôle de la Chine est essentiel », car elle est devenue « le premier créancier du monde, devant le FMI, la Banque mondiale et les créanciers du Club de Paris réunis ».
L’encours total des prêts officiels chinois serait compris entre 500 et 1 000 milliards de dollars
Ces chiffres sont contestés par Pékin et également par des observateurs indépendants. Il est difficile de se faire une idée de la réalité car beaucoup d’emprunts accordés par des établissements publics chinois sont difficiles à flécher. La situation financière des pays endettés à l’égard de Pékin est comparable à celle des pays en développement dans les années 1980. On parle alors d’une décennie perdue pour la croissance de ces pays assommés par le service de la dette à l’égard des pays occidentaux. Jusqu’à ce que l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés adoptée en 1996 ne les libère.
La Chine est-elle prête aujourd’hui à effacer une partie de cette dette en faveur des pays en difficulté?
Dans les années récentes la Chine a multiplié les accords de restructuration en privilégiant le report des échéances plutôt que l’effacement pur et simple de la dette. Elle a légèrement infléchi ses positions en 2020 en acceptant l’initiative du G20 pour suspendre le service de la dette. Mais son engagement concret laisse à désirer. L’accord de restructuration passé avec la Zambie est sans cesse reporté. Le Tchad, l’Éthiopie, également demandeur d’une restructuration, n’ont toujours pas obtenu d’actes concrets de Pékin. La Chine a accordé des prêts dans des conditions très opaques et n’est pas pressée de les remettre en cause. Elle a aujourd’hui un statut d’observateur au sein du club de Paris où est traitée la gestion de la dette des États mais elle bloque toujours sur les conditions du club : la transparence et un traitement égal entre tous les créanciers. L’annonce faite au mois d’août d’un effacement de la dette bilatérale due par 17 pays africains a frappé les esprits mais sa portée parait limitée. 610 millions de dollars de dette ont été effacés, un montant dérisoire comparé à la créance totale de la Chine sur le continent africain. Elle est estimée à plus de 80 milliards de dollars.