La Banque centrale européenne est-elle prête à frapper fort pour mater l’inflation?
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Face à une inflation record en Europe, à 9%, la Banque centrale européenne se doit de relever une nouvelle fois ses taux d’intérêts. Sa décision sera annoncée ce 8 septembre, une fois que le conseil des gouverneurs aura résolu son dilemme : faut-il les augmenter fortement ou pas, au risque d’aggraver la récession qui se profile ?
Les autres grandes banques centrales ont déjà tranché. Le 7 septembre, celle du Canada a relevé fortement ses taux, de trois quarts de points. Aux États-Unis, la Réserve fédérale a déjà donné un tour de vis de cet ordre en juillet et s’apprête à recommencer. Après avoir longtemps tergiversé, voici son credo : il vaut mieux agir vite et fort avant que cela ne soit trop tard, même si cela entraine une récession. Car une fois que l’engrenage hausse des prix et des salaires est enclenché, c’est beaucoup plus compliqué de l’enrayer. Les pays occidentaux ont encore en souvenir l’inflation incompressible des années 1970.
Qu’est-ce qui rend la décision plus compliquée en zone euro ?
Une hausse des taux de 0,75%, c’est du jamais vu pour la BCE. Elle agit en général avec une grande prudence parce que la zone euro est encore très fragmentée, avec des économies assez robustes pour supporter des traitements de chocs et d’autres encore convalescentes. Une forte hausse des taux fragilisera les pays les plus endettés. Les taux à dix ans de la Grèce et de l’Italie sont déjà autour de 4%, trois fois le taux de l’Allemagne.
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Empêtrée dans la guerre et la crise énergétique, la zone euro ne peut pas se payer le luxe d’une nouvelle crise de la dette. La BCE a un nouvel outil pour intervenir en cas de problème mais elle va d’abord tout faire pour éviter d’allumer elle-même l’incendie. La représentante de l’Allemagne au sein du conseil des gouverneurs réclame une forte hausse de vive voix tandis que le Grec plaide mezzo voce pour la modération.
La BCE doit aussi tenir compte de l’éventail très ouvert de l’inflation.
La moyenne européenne a dépassé les 9% en août, avec des pays moins touchés que d’autres. En France, elle est de l’ordre de 6%. Un taux relativement modéré grâce au bouclier énergétique. Mais elle dépasse les 25% en Estonie où le prix de l’énergie réplique les cours du gaz et de l’électricité. Les Estoniens, effrayés par l’agressivité de la Russie, supportent stoïquement cette envolée, en payant le prix fort, car leur pouvoir d’achat est bien en dessous de la moyenne de la zone euro.
D’après la Confédération européenne des syndicats, la part de l’énergie dans le revenu moyen a augmenté de plus de 20% dans 14 pays européens. En Estonie, par exemple, elle a quasiment doublé. En Grèce, l’énergie absorbe 10% du salaire annuel, soit plus d’un mois de salaire.
La BCE prend-elle en considération la baisse du pouvoir d’achat ?
Sa mission première est de limiter l’inflation dans la zone des 2%, pas de veiller au pouvoir d’achat. Mais les gouverneurs regardent attentivement comment se forme cette inflation. Et ils constatent que contrairement aux États-Unis, ce n’est pas l’explosion de la demande post Covid-19 qui explique l’emballement des prix en Europe, mais bien la crise énergétique, l’envolée du pétrole et du gaz, entre autres à cause de la guerre russe.
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C’est pourquoi l’effet du relèvement des taux de 0,75% ne sera pas nécessairement efficace sur cette inflation importée. Pour la maîtriser, ce sont les gouvernements qui sont à la manœuvre, avec des boucliers tarifaires, très chers, d’où l’idée d’une taxe sur les superprofits. Et avec une politique européenne, qui sera décidée le 9 septembre à Prague lors de ce Conseil extraordinaire consacré à l’énergie.