Kwasi Kwarteng, ministre des Finances britannique dans la tempête



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Des grèves massives pour réclamer d’urgence des hausses de salaire face à une inflation historique. Un projet de budget mal ficelé et favorable aux plus hauts revenus qui fait s’effondrer les marchés et la livre sterling. Au Royaume-Uni, les débuts sont difficiles pour la Première ministre conservatrice Liz Truss et son numéro deux le ministre des Finances Kwasi Kwarteng. Tous les deux sont aujourd’hui pris dans la tourmente de leur parti et de l’opinion.

Un physique d’athlète, un charisme certain, Akwasi Addo Alfred Kwarteng de son vrai nom est le fils d’intellectuels ghanéens immigrés dans les années 1960 en Angleterre. Comme plusieurs ministres, il est issu des minorités ethniques. Mais il ne met jamais en avant cet héritage.

Il laisse plutôt son CV parler pour lui. Les diplômes en économie, obtenus à Harvard, Cambridge et la célèbre école de l’élite britannique, Eton. L’homme parle aussi cinq langues dont le français. Si bien que du haut de son mètre quatre-vingt-seize, le ministre a la réputation d’être un orgueilleux. Mais « j’aime bien discuter avec lui parce qu’on se provoque mutuellement. On échange de manière très raisonnable mais sans forcément être d’accord », lui reconnaît Iain Begg, professeur rattaché à la London School of Economics.

Brillant et extrêmement cultivé, Kwasi Kwarteng possède cette aisance naturelle des gens sortis du vivier d’Eton, comme Boris Johnson avant lui par exemple. Mais si on pourrait reconnaître à ce dernier une absence de programme politique, Kwasi Kwarteng lui, a un programme pour son pays.

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Kwasi Kwarteng est un pur produit de la famille conservatrice. Il l’a rejointe en même temps que Liz Truss. À 47 ans, ils font la paire et sont même amis proches. Avec la Première ministre, ils partagent une même passion pour Margaret Thatcher, l’ancienne cheffe du gouvernement conservatrice. « Pendant toute leur jeunesse, ils n’ont connu qu’elle, explique Alma-Pierre Bonnet professeure de civilisation britannique à Sciences Po Lyon. Ils en ont une idée un peu romancée, notamment dans sa relation avec l’Europe. Parce que Margaret Thatcher n’était pas totalement eurosceptique. Mais eux ne se souviennent que du “no no no”, que de son opposition assez forte à l’Europe. Et pareil au niveau économique, ils ont une vision assez romancée et essaient même d’aller plus loin », complète l’universitaire.

« Il est au centre du parti conservateur d’aujourd’hui parce qu’il était pour le Brexit. Il soutient les marchés, il veut avoir des impôts moins élevés. C’est quand même ce que propose comme discours profond le parti », souligne le professeur Iain Begg, pour qui tout en épousant son époque et son contexte, M. Kwarteng puise aussi son inspiration chez l’Américain Ronald Reagan et ses thérapies de choc pour l’économie.

Querelles à tous les étages

Le revers de la médaille, c’est que sa méthode suscite beaucoup de critiques, y compris dans ses propres rangs. Conséquence, l’ébauche de budget présenté par Kwasi Kwarteng le 23 septembre dernier a provoqué une bronca parmi les députés, y compris conservateurs. Et le ministrea dû reculer sur la baisse controversée d’impôts pour les plus riches. Ses collègues lui reprochent une absence de concertation et d’écoute des organes de contrôle budgétaire. Un comble pour un parti qui se présente comme le plus sérieux en la matière.

Les Tories sont désormais au plus bas dans les sondages, au profit de l’opposition travailliste. Et le parti conservateur d’afficher à nouveau l’image d’un « parti méchant » (« nasty party » en anglais), avec des querelles à tous les étages. Image qui devait appartenir au passé. « David Cameron, lorsqu’il prend la tête du parti conservateur [en 2005, ndlr], a vraiment travaillé sur cette “décontamination” de la marque conservatrice, raconte Pierre Bonnet. Pour montrer que c’est un parti d’unité, qui peut gérer l’économie, qui veut s’occuper des gens, de tout le monde. Je pense que les conservateurs ont ça à l’esprit », conclut le chercheur.

Est-ce que Liz Truss ira jusqu’à jeter son ami sous le bus, comme le prédisent certains journaux britanniques ? « Le parti conservateur est quand même un parti qui sait gagner des élections, rappelle M. Begg. Donc, ils vont faire des choses pour soutenir Kwarteng parce que sinon, ils risquent beaucoup de difficultés, à la fois pour le parti en général et pour les partis individuels qui risquent de perdre leur siège. Je crois que les conservateurs vont quand même le laisser et serrer les rangs, en espérant qu’il réussisse », souligne l’universitaire.

Kwasi Kwarteng qui a décidé d’avancer la date de présentation d’un budget trouvera-t-il le juste équilibre ? C’est toute la question. Alors qu’il est devenu un épouvantail pour une grande partie des Britanniques désormais en grève par centaines de milliers pour exiger un réel soutien économique.



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