Guillaume Loiseau, le conseiller funéraire chef d’orchestre



Guillaume Loiseau n’était prédisposé en rien à s’épanouir dans le monde de la mort. Pourtant, conseiller funéraire et maître de cérémonie pour l’agence de pompes funèbres l’Autre Rive depuis cinq ans, ce musicien amateur affirme y développer sa créativité tout en se sentant « utile ».

« Un jour, alors que j’étais au chômage, mes formateurs m’ont dit : “ Guillaume, ne le prend pas mal, mais on te verrait bien dans les pompes funèbres.” ». Installé dans son agence tendue de bleu, dans le 15e arrondissement de Paris, Guillaume Loiseau, 50 ans, sourit à l’évocation de son parcours.

Tour à tour professeur d’informatique et conseiller d’éducation dans un lycée privé, attaché aux relations publiques d’une association rassemblant des passionnés de théâtre, directeur commercial d’une entreprise de vente de compléments alimentaires, chômeur… L’homme a exercé une foule de métiers, et rien ne le prédisposait à être assis ici, dans cette pièce claire ornée de pierres tombales, où il travaille comme conseiller funéraire et maître de cérémonie.

« Tout ce que j’avais fait avant, je pouvais l’apporter au monde des pompes funèbres »

Et pourtant… à l’Autre Rive, l’agence de pompes funèbres indépendante qui l’emploie depuis cinq ans, Guillaume Loiseau se sent « comme un poisson dans l’eau. » « J’ai réalisé très vite que tout ce que j’avais fait avant, je pouvais l’apporter au monde des pompes funèbres, affirme cet homme au récit maîtrisé, fourmillant d’anecdotes. Comme conseiller funéraire et maître de cérémonie, je m’occupe de la législation, j’ai un côté un peu psy avec l’accueil des familles, un versant commercial, il y a un aspect créatif aussi, je réfléchis à l’architecture des monuments funéraires, j’organise les obsèques… »

Il ponctue ses propos en tapotant la table en bois, autour de laquelle, d’ordinaire, des familles endeuillées s’assoient pour organiser l’enterrement ou la crémation d’un de leurs proches. Grâce à ce métier « particulier », synonyme pour beaucoup de tristesse et de tabou, Guillaume Loiseau affirme s’épanouir et avoir le sentiment d’être « utile. »   

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« Parfois, je me dis que mon métier est dur, mais que je l’ai fait de la meilleure manière possible et que cela s’est passé le mieux que cela puisse l’être pour la famille, reconnait-il en souriant, à l’aise dans son costume bleu foncé. Lorsque j’étais directeur commercial, on ne peut pas dire que j’avais l’impression de changer la vie des gens. Maintenant, lorsque je reçois une famille désorientée, perdue, que je leur dis : “ on parle ensemble et dans deux heures, vous aurez une date pour les obsèques ” , je me sens utile. Des familles me remercient de les avoir accompagnées, d’avoir participé à créer une cérémonie à l’image du défunt. »

Cérémonies personnalisées

Obsèques « égyptiennes », avec un cercueil en forme de sarcophage, décorations à base de cactus, concert live, hommage à la Provence, où la lavande remplace les pétales de fleur… L’agence indépendante où il officie, l’Autre Rive, cherche à bâtir des cérémonies originales et personnalisées, loin des enterrements rigides et compassés.

Un aspect qui permet à Guillaume Loiseau de réunir certains des fils rouges de son parcours, l’empathie, le respect de l’autre, la créativité. « Pour moi, maître de cérémonie, c’est être chef d’orchestre, explique-t-il. Je joue une partition écrite avec les familles, et le jour des obsèques, on l’interprète. Mes instruments, ce sont les porteurs de cercueil, les marbriers… Il faut savoir parler, gérer une assemblée, s’adapter au retard d’un corbillard.  »

La métaphore est d’autant plus parlante que Guillaume Loiseau, passionné de théâtre, est lui-même musicien et pianiste amateur, chanteur dans un quatuor vocal, spécialisé dans les œuvres de la Renaissance. Il lui arrive de mettre ses compétences musicales au service de certaines cérémonies ou de s’asseoir au piano pour remplacer un organiste.

Une distance à préserver

« D’ordinaire, on met trois mois à organiser un spectacle, développe-t-il. Dans mon métier, j’ai huit jours pour accompagner un défunt et une famille d’un point A à un point B. Avec peu d’éléments, dans un temps très court, je dois dresser une cérémonie qui soit à leur image, qui leur met du baume au cœur. J’ai du plaisir à le faire. »

Il a récemment organisé les funérailles d’un contrebassiste, et se souvient, touché, des mots de la nièce du défunt à la fin de la cérémonie. « C’était un grand musicien, alors j’ai essayé d’utiliser mes connaissances musicales, de parler de Wagner, des interprètes, de raconter des anecdotes…, décrit-il. Et l’assistance n’a pas ri, non, mais elle a souri… Sa nièce m’a dit, ” Vous avez évoqué son monde, c’était proche de lui, vous l’avez appelé par son prénom… Merci.  »

Ce souci de l’autre, Guillaume Loiseau l’exprime aussi en donnant des formations à l’ENAMEF, l’école qui forme aux métiers du funéraire, et où lui-même a appris le métier. Il essaie d’y transmettre aux futurs conseillers funéraires la délicatesse et la distance à adopter. « C’est un travail particulier qui peut être difficile. Il faut avoir de l’empathie, c’est sûr, mais aussi du recul, maintenir une distance nécessaire pour dormir la nuit. »

Pas question, donc, d’éviter d’évoquer son métier, que ce soit en famille ou lors de soirée entre amis. « Les pompes funèbres, tout le monde a envie d’en entendre parler, d’avoir des anecdotes, remarque-t-il. Au départ, je le faisais. Et puis, lorsque vous racontez une histoire, qu’elle est même plutôt drôle, et que l’amie à côté de vous se met à pleurer… Maintenant, je refuse d’en parler. Mes proches n’ont pas choisi de faire ce métier : je dois les protéger. »



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