En Cisjordanie occupée, les Palestiniens face à des attaques de colons en constante augmentation
Publié le :
Alors que les extrémistes et les suprématistes juifs – soutenus par les colons – pourraient obtenir davantage de portefeuilles ministériels en Israël, en Cisjordanie occupée, la violence des colons explose. Dans la plupart des cas, les auteurs ne sont pas poursuivis. Chez les Palestiniens monte un sentiment d’injustice et l’idée d’une violence commise en toute impunité.
De notre envoyée spéciale,
C’était un vendredi après-midi, fin juin, à Iskaka, un village à côté de Naplouse, au nord de la Cisjordanie occupée. Ali Harb, 28 ans, était sur ce petit terrain bordé d’oliviers – celui de sa famille – avec d’un côté, une vue imprenable sur la vallée et de l’autre, les barbelés de la colonie israélienne d’Ariel. C’est là qu’il a été tué, poignardé par un colon, raconte son père, Hassan Harb.
« C’est la première fois que je reviens ici depuis la mort de mon fils. Ce jour-là, j’étais malade, j’avais de la fièvre, quand j’ai reçu un coup de téléphone de nos voisins agriculteurs pour nous dire que des colons étaient sur nos terres, qu’ils planifiaient d’y rester, de mettre des tentes pour s’y installer ».
Hassan demande alors à deux de ses fils, Ali et Ahmad, d’aller voir. Ils partent avec un de leurs oncles. Sur place, il y a des « jeunes des collines », ces adolescents religieux et violents, accompagnés d’un adulte, la quarantaine. En voyant arriver le groupe de Palestiniens, les colons déguerpissent. Puis ils reviennent, avec l’armée israélienne. Ali s’adresse à cette dernière, demande aux soldats de les faire partir, lorsqu’un des colons, le plus âgé, se détache du groupe et s’approche de lui.
« Le colon a sorti un couteau de derrière lui. Au début, il a essayé de poignarder le cousin d’Ali, il a réussi à l’éviter, puis il a poignardé Ali, raconte le père du jeune garçon. C’était un couteau d’environ 6 cm, qui lui est allé directement au cœur, ce qui a brisé une de ses côtes et touché son artère principale, celle qui alimente le cœur… C’est ce qui a provoqué sa mort. Et lorsqu’il s’est écroulé, l’armée israélienne a empêché son frère et ses cousins de le sauver. »
Plusieurs mois après, malgré les caméras de surveillance, malgré la station de police à proximité, à l’intérieur de la colonie, Hassan désespère que le coupable soit jugé et le précise : « ces colons peuvent agir en toute impunité ».
Cette année, ces attaques, liées à la violence des colons, sont récurrentes et très variées. Elles peuvent être physiques ou ciblées contre les biens des Palestiniens, comme des véhicules, des maisons, des troupeaux. « Elles ont plus que doublé par rapport à l’année dernière », explique Anthony Dutemple, de l’ONG Première Urgence Internationale. Parfois, ces attaques sont même coordonnées entre différentes colonies ou avant-postes, ou se font en pleine journée, souvent avec la police et l’armée israélienne à proximité, comme l’a confirmé un rapport de Breaking The Silence publié l’été dernier. Il y a aussi les menaces avec des armes des colons sur les Palestiniens, le harcèlement moral et psychologique au quotidien, poussant les communautés palestiniennes à partir de leurs terres.
« Et cela fait vraiment partie de la stratégie des autorités israéliennes d’occuper le territoire », ajoute Anthony. « Il y a deux ans, on parlait d’annexion formelle, cette annonce de Benyamin Netanyahou qui n’a finalement pas eu lieu. Mais nous, sur le terrain, on estime que l’annexion, de fait, est là : la population palestinienne n’a plus accès à ses ressources et ses moyens d’existence sont mis en péril. »
+53% par rapport à 2021, selon le bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (Ocha). Entre janvier et fin octobre 2022, quatre Palestiniens ont été tués par des colons, 241 blessés par des colons, 1 669 blessés par l’armée pendant des incidents liés à la violence des colons. À cela s’ajoutent 596 véhicules (170% de plus qu’en 2021) et 9 445 arbres vandalisés par des colons. Cette violence est quasi systématiquement filmée, documentée, par les Palestiniens eux-mêmes, par des volontaires et des défenseurs des droits ou encore des caméras de surveillance, mais qui, dans presque l’entièreté des cas, ne mène à aucune condamnation ou jugement des auteurs. Selon l’organisation israélienne Yesh Din, 97% des plaintes des Palestiniens restent sans suite.