deux mois après la mort de Mahsa Amini, la crainte du pire s’empare des exilés et des ONG
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Voilà deux mois ce mercredi 16 novembre que le monde apprenait la mort de la jeune Kurde iranienne Mahsa Amini après son arrestation par la police des mœurs de Téhéran. Le mouvement pourrait prendre un nouveau souffle cette semaine qui marque donc deux mois de manifestations contre le régime mais aussi le troisième anniversaire des manifestations de 2019. En Iran, alors qu’une grève générale a été décrétée pour trois jours depuis mardi 15 novembre, la répression se durcit. À l’étranger, les Iraniens exilés tentent eux aussi de soutenir le mouvement sur la longueur.
La jeune Bahar habite Paris, mais depuis deux mois, son cœur et ses tripes sont dans les rues d’Iran. Il y a cinq jours, elle a appris la mort de trois de ses amies, trois sœurs qui avaient la vingtaine. « J’ai parlé avec le frère de ces filles, il n’y croit pas, il m’a dit qu’avec ses sœurs il était dans une manifestation dans la rue, il a dit que tout à coup la police est arrivée, il a dit qu’ils se sont mis à courir », confie la jeune fille à Oriane Verdier, du service international de RFI.
Dans la panique, le jeune homme a perdu ses sœurs, selon Bahar. Il aurait finalement retrouvé leurs corps dans une ruelle, roués de coups, le crâne fracassé. C’est à l’hôpital qu’un médecin aurait constaté leur mort. « Toujours, j’y pense. Je pense que je dois faire quelque chose pour les gens en Iran, pour mes amis, pour les femmes, les hommes, pour les Iraniens, poursuit la jeune fille. J’ai déjà participé à toutes les manifestations à Paris, mais ce n’est pas suffisant. Je pense que je dois faire quelque chose, mais je ne sais pas quoi. »
Faute de mieux, Bahar tente de témoigner au nom de ses proches. Face au durcissement de la répression, les manifestants restés en Iran craignent de plus en plus de s’exprimer directement dans les médias.
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« Il risque d’y avoir des milliers de condamnations à mort »
Dimanche, un tribunal de Téhéran a condamné à mort un manifestant. Au total, entre 14 000 et 20 000 personnes sont actuellement en prison pour avoir participé au mouvement, selon Iran Human Rights. Le directeur de cette ONG, Mahmood Amiry-Moghaddam, s’inquiète d’une multiplication possible des condamnations à mort dans les jours à venir.
« Nous sommes très inquiets pour les personnes arrêtées, dit-il. Selon des rapports officiels, vingt d’entre elles risquent déjà d’être condamnées à mort en plus de la personne déjà condamnée. Nous avons aussi des rapports officieux qui relatent de nombreux procès qui ne durent pas plus de quelques minutes avant la condamnation. Nous craignons donc d’assister à une nouvelle vague d’exécutions. C’est pour cela que nous demandons à la communauté internationale d’envoyer un message fort à la République islamique : “L’exécution de manifestants est inacceptable et aura des conséquences graves.” Si les autorités iraniennes sentent que le coût politique de ces exécutions est négligeable, alors ils le feront. Il ne faut pas oublier qui est au pouvoir. Le président iranien lui-même a dirigé une commission de la mort qui a condamné plusieurs milliers de personnes à la peine capitale. Nous espérons donc un message fort de la part de la communauté internationale. »
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