Carlos Tavares: un fou d’automobile au volant de Stellantis
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La voiture sera à l’honneur la semaine prochaine à Paris. Le Mondial de l’automobile se tient dans la capitale française du 17 au 23 octobre. Parmi les constructeurs à exposer leurs modèles : Stellantis. À cette occasion, RFI brosse le portrait de Carlos Tavares,directeur général du groupe qui unit PSA Peugeot-Citroën et Fiat-Chrysler.
L’automobile, Carlos Tavares, lui a consacré toute sa vie. « C’est vraiment le “car guy”, un “type de l’automobile” », juge François Roudier, porte-parole de la filière automobile qui le compare volontiers aux grandes figures du secteur : «Il a un côté un peu Henry Ford et même Citroën. » Cet amour de la voiture nait dès l’adolescence de ce Portugais au français impeccable. Jeune Lisboète, il officie comme commissaire de course sur le circuit d’Estoril.
Carlos Tavares part ensuite dans l’hexagone faire ses études supérieures. Diplômé de l’école centrale de Paris, l’ingénieur entre, dans la foulée, non pas chez Peugeot, mais chez son concurrent Renault. Il gravit les échelons chez Renault et Nissan jusqu’à un poste de numéro deux pour la marque au losange, et une déclaration dans la presse en 2013 : il assume publiquement son ambition de devenir numéro 1 d’un groupe automobile. Problème : Carlos Ghosn, alors patron de l’Alliance, n’est pas enclin à céder sa place.
« Psychopathe de la performance »
Quelques mois après, Carlos Tavares prend la tête d’un groupe PSA en difficulté. Le nouveau patron applique alors «une recette relativement simple mais assez brutale », explique Tommaso Pardi, directeur du Groupe d’études et de recherche permanent sur l’industrie et les salariés de l’automobile (Gerpisa). Sa politique : «Une réduction des coûts tous azimuts, la quête de performances opérationnelles à tous les niveaux de l’entreprise. Il a aussi profité des opérations qu’il a pu mener avec Opel d’abord et plus récemment avec Fiat, pour utiliser ce qu’il appelle les synergies. Il est très fort pour ça. »
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Une obsession de l’efficacité assumée par Carlos Tavares lui-même qui ne rechigne pas à se considérer comme un «psychopathe de la performance ». Et la quête de ce fils de comptable d’une rentabilité toujours plus grande perdure dans le temps, selon Jean-Pierre Mercier. Leporte-parole de la CGT – Stellantis regrette des «méthodes de management de plus en plus violentes, de plus en plus agressives vis-à-vis du personnel. On voit qu’il y a une volonté déterminée de faire baisser les effectifs pour augmenter les profits ».
Salaire polémique
Carlos Tavares, un chasseur de coûts, sauf peut-être quand il s’agit de son salaire. Il a engrangé 19 millions d’euros l’an dernier. Sa rémunération, qui atteindrait même 66 millions d’euros s’il remplit ses objectifs à long terme, a fait polémique, y compris parmi les actionnaires.
Si Carlos Tavares partage le goût de la réduction des coûts de productions avec d’autres patrons, son expérience d’ingénieur automobile, «sa connaissance très fine de l’automobile » aide le centralien dans cette tâche, assure Tommaso Pardi. « Il peut développer un management très intrusif. Il peut lui-même aller voir de près, ce que font les différents directeurs au niveau opérationnel. »
Pour autant, les visites dans les usines se font au pas de charge, raconte Jean-Pierre Mercier : « Quand il fait des tournées d’usines, parce qu’il en fait très souvent pour remonter les bretelles des directions locales, une semaine avant, il faut tout nettoyer, on refait les peintures, tout est nickel chrome. Et on le voit passer comme un TGV. »
« Quelqu’un qui va très vite »
Carlos Tavares est un homme pressé. Prendre des décisions sans lésiner, c’est d’ailleurs l’une des clefs de son succès aux yeux de François Roudier exemple à l’appui : « Au départ, il n’était pas trop fan des voitures électriques, mais quand il a fallu le faire, il l’a fait. Et en 2030, il n’y aura plus que des voitures électriques en vente chez Stellantis. Donc c’est quelqu’un qui va très vite et dans l’industrie automobile, les grands patrons sont des gens qui ont pris des risques et qui sont allés vite »,conclut le porte-parole de la filière automobile qui décrit par ailleurs le directeur général de Stellantis comme un homme qui peut être « dur » mais qui est aussi « très fidèle en amitié ». Carlos Tavares peut s’enorgueillir de bénéfices nets en hausse au premier semestre 2022, tout juste un an après la création de Stellantis.
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« Maintenant, il faut voir si Carlos Tavares, au-delà de Stellantis, est en mesure de jouer aussi un rôle plus important qu’il ne l’a joué jusqu’à présent, dans une stratégie industrielle française »,s’interroge Tommaso Pardi. « On se dit que ce serait très important que Carlos Tavares joue un peu plus collectif et qu’il s’engage un peu plus dans le compromis » pour que la France se rapproche du modèle allemand doté « d’une alliance forte entre constructeurs, syndicats, État et Landers ».
Le goût du volant
En dépit du fait qu’il chapeaute quatorze marques, Carlos Tavares trouve du temps pour lui. Ses loisirs ? L’automobile, encore. Carlos Tavares est pilote amateur. « Dans son contrat, il avait bien dit qu’il continuerait à courir alors qu’au départ l’employeur hésitait en disant que c’était dangereux », raconte François Roudier. Et de préciser : « Il aime bien courir en voiture ancienne. »
Les plans stratégiques lancés à Peugeot-Citroën et désormais à Stellantis ont d’ailleurs des noms liés à cet univers, à l’instar de son premier plan à PSA : « Back in the race » – de retour dans la course.