Au Chili, un référendum constitutionnel du 4 septembre très disputé
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Le Chili tournera-t-il définitivement la page Augusto Pinochet ? 15 millions de Chiliens en décideront, dimanche 4 septembre, lors d’un référendum. Ils sont appelés à se prononcer sur une nouvelle Constitution qui remplacerait celle héritée de la dictature, et qui est toujours en vigueur. Mais à deux jours du référendum, tous les sondages indiquent qu’une majorité de votants vont rejeter le texte nouvelle Constitution.
« Le nouveau contrat social, s’il était approuvé, déterminerait le vivre-ensemble dans le Chili de demain. C’est donc un moment historique que s’apprête à vivre la société chilienne », souligne Sebastian Santander. Ce professeur en sciences politiques à l’Université de Liège est formel : les 388 articles rédigés par l’Assemblée constituante au cours d’une année font de ce projet non seulement la plus longue mais aussi l’une des plus progressistes Constitutions au monde.
Un projet ambitieux et progressiste
Pour les membres de l’Assemblée constituante, il s’agissait de « garantir les droits fondamentaux à chaque Chilien, et notamment aux populations les plus défavorisées sous le système actuel », explique l’expert.
« Le texte garantit le droit à l’IVG. Il instaure une parité de genre dans toutes les instances gouvernementales et administratives du pays. Cette proposition envisage aussi de créer un État plurinational. Cela veut dire qu’il donne des droits aux communautés autochtones, comme par exemple l’accès aux territoires, une reconnaissance culturelle et linguistique, et surtout la mise en place d’un pluralisme juridique. Cela permettrait aux communautés autochtones de disposer de leur propre système judiciaire. Même si, pour certaines questions, il y aurait bien évidemment un système judiciaire nationale », détaille Sebastian Santander.
Le professeur poursuit : « Un autre point important sont les droits environnementaux. Il s’agit là de garantir la protection et l’accès aux ressources terrestres et d’interdire toute marchandisation des ressources naturelles. Et puis, cette Constitution inscrit également la mise en place d’un système public pour les soins de santé, l’éducation et les retraites. C’est véritablement un projet très ambitieux. »
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La droite a mené campagne contre la nouvelle Constitution
Dès le début des travaux de l’Assemblée constituante, la droite chilienne a lancé une campagne très agressive dans les médias et les réseaux sociaux contre le projet de « créer une nouvelle société en dépassant la Constitution pinochétiste de 1980 », explique encore Sebastian Santander. « Ces forces conservatrices veulent maintenir le statu quo, conserver à tout prix le modèle de société actuelle. Parce qu’elles craignent que leurs intérêts soient remis en question », détaille-t-il.
Bien qu’elle n’en soit pas la seule cause, cette campagne menée par la droite chilienne et souvent empreinte de désinformation massive a réussi à semer le doute au sein de la population. Depuis des mois, le « non » au référendum de ce dimanche 4 septembre 2022 est en tête des sondages. Il y a presque deux ans, en octobre 2020, 78% des Chiliens avaient pourtant voté pour l’élection d’une Assemblée constituante.
Ce résultat signifiait surtout aussi « le rejet définitif de la Constitution de 1980 héritée de l’ère Pinochet », constate Alfredo Joignant, professeur à l’université Diego Portales à Santiago, pour qui ce rejet « exclut tout retour en arrière ». « Tout le monde le sait, y compris la droite. La Constitution de 1980 est techniquement morte », souligne Alfredo Joignant.
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Même si le « non » devait l’emporter, un retour en arrière est impossible
Seulement voilà : si le « non » l’emporte ce dimanche au référendum, c’est bien la Constitution de Pinochet qui restera en vigueur. « Ce qui s’ouvre au Chili, c’est une espèce de no man’s land », estime Alfredo Joignant, qui est certain de la victoire du « non ».
« C’est-à-dire une période où la norme constitutionnelle en vigueur, celle de 1980, opère juridiquement dans les faits mais sans aucune adhésion politique et sans légitimité sociale. C’est la raison pour laquelle il va falloir avancer de manière extrêmement rapide vers l’élection d’une nouvelle Assemblée constituante. Donc, tout ce qui devrait se passer, une fois le plébiscite du 4 septembre achevé, passe par des négociations avec la droite. Et à partir de là, les forces de gauche vont devoir s’accrocher à cette négociation, y compris le président de la République », expose le professeur.
Dans ce contexte, ce sont les Chiliens encore hésitants qui concentrent toute l’attention. Selon les sondages, ils seraient entre 10% et 15% à ne pas encore avoir déterminé leur choix pour le référendum de dimanche.
Pour les convaincre, Gabriel Boric, le président de centre-gauche et fervent soutien de la nouvelle Constitution, a d’ores et déjà promis que des améliorations seraient apportées au texte si celui-ci était adopté. Une stratégie qui ne semble pas avoir fait bouger les intentions de vote. Les sondages donnent toujours le « non » en tête.
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