Argentine: Rosario asphyxiée par les incendies dans le delta du Paraná
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La semaine passée, Rosario, troisième ville d’Argentine, a été une nouvelle fois envahie par un épais nuage de fumée. En cause, les incendies qui font rage dans les zones humides du delta du Paraná, en face de la ville. Depuis le début de l’année, plus de 300 000 hectares sont partis en fumée, affectant la santé des millions de personnes qui vivent le long du fleuve.
De notre envoyé spécial à Rosario,
Sur les bords du Rio Paraná à Rosario, l’horizon est bouché par une pellicule grise alimentée par les colonnes de fumée qui s’élèvent des incendies situés de l’autre côté du fleuve. « Par moments, ça devient invivable », s’énerve Edgardo Costa en gardant un œil sur la ligne de sa canne à pêche. « On a mal à la gorge, aux yeux… Parfois, on ne peut carrément pas aller travailler. Avec toute cette fumée, on doit s’arrêter sur le bas-côté, car on ne voit rien », affirme-t-il.
Malgré un vent de nord-est qui éloigne les volutes grises de la ville, une odeur de brûlé continue de flotter dans l’air. Un moindre mal comparé à l’épais nuage de fumée qui a envahi la ville quelques jours auparavant. « Quand je me suis réveillée à 7 heures du matin, il y avait toute une couche de cendres par terre et sur la voiture », dit Veronica.
Femme au foyer, elle est venue prendre l’air près du fleuve avec ses enfants après une semaine enfermée chez elle. « Je ne pouvais pas respirer, je toussais toute la journée. Ma grand-mère qui a de l’asthme devait être sous oxygène pour pouvoir respirer. Elle a été très affectée », indique Veronica.
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Des consultations aux urgences qui ont augmenté de 25 %
La semaine passée à Rosario, la concentration de particules fines dans l’air était cinq fois supérieure au seuil recommandé par l’OMS. Les consultations aux urgences ont augmenté de 25%, et dans les pharmacies comme celle où travaille Sabrina Lopez, les ventes de masques sont reparties en flèche. « On en vendait presque plus, mais là ça s’est réactivé, car c’était invivable. Les ventes d’antibiotiques aussi ont augmenté, car la fumée provoque des infections pulmonaires, notamment chez les enfants », explique Sabrina Lopez.
Depuis début 2020, les feux brûlent quasi en continu dans les zones humides du delta du Paraná. Exaspérés par ces épisodes de fumée à répétition, habitants de Rosario et militants environnementaux ont bloqué le principal pont de la ville le week-end dernier pour dénoncer l’attentisme des autorités.
« Personne n’est poursuivi pour ces feux, la justice ne fait rien », déplore Cesar Massi. Activiste écologiste, il documente depuis deux ans l’ampleur des incendies grâce à des données satellites en accès libre. « Les données officielles n’étaient pas fiables, donc nous avons commencé à mesurer l’étendue des incendies, pour voir là où les feux se répètent et qui les allume », dit-il.
Les écobuages montrés du doigt
Tout comme le ministère de l’Environnement argentin, Cesar Massi pointe du doigt la pratique des écobuages qui consiste à renouveler les pâturages en les brûlant. Selon lui, la multiplication des incendies s’explique par ce qu’il appelle « l’avancée de la frontière agroindustrielle ».
La culture du soja transgénique est autorisée dans de plus en plus de zones, dont certaines qui étaient jusqu’ici dédiées au bétail. Celui-ci a été expulsé vers les zones humides, ce qui génère ces processus de destruction que l’on voit aujourd’hui.
Sur le pont bloqué à la circulation, les manifestants réclamaient que la loi de protection des zones humides, bloquée au congrès depuis près de trois ans, soit enfin votée.