À Marseille, des nettoyages géants pour sensibiliser au trop-plein de déchets
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L’association Clean My Calanques organise depuis cinq ans des ramassages géants de déchets sur les plages de Marseille. Elle veut sensibiliser la population locale via une communication audacieuse dont l’objectif est de rendre accessible l’écologie au plus grand nombre.
De notre correspondant à Marseille,
Un sac-poubelle à la main, Kawtar s’affaire entre les rochers en bordure de la plage de la vieille chapelle à Marseille. La jeune femme de 27 ans participe à un évènement planifié par Clean My Calanques. Depuis cinq ans l’association s’est spécialisée dans l’organisation de nettoyages géants organisés chaque mois sur les plages de la ville.
Cette Marseillaise ne supporte plus que les gens maltraitent l’environnement dans lequel ils vivent. « Il n’est pas rare de voir des personnes jeter des mégots par la fenêtre de leur voiture, ou des bouteilles directement dans la mer. Marseille est une ville magnifique, il faut la préserver ! »
Ce jour-là, ils sont une petite centaine à participer à l’événement dans une ambiance festive. L’association a organisé un tournoi de pétanque, des cours de sport ou encore un jeu concours, ce qui plaît à Laure et Eliott : « Ça rend optimiste de voir qu’autant de monde a fait le déplacement », explique le couple venu aider pour la première fois. Comme beaucoup de participants, ils ont pris connaissance de l’association via les réseaux sociaux.
Clean My Calanque communique abondamment sur internet et dans les médias. L’association compte plus de 30 000 abonnés sur Instagram et 10 000 sur TikTok. Elle a pris l’habitude de faire des vidéos avec des artistes ou des influenceurs. Ses membres y partagent leur colère face aux amas de déchets qui peuplent le bord des plages. Ils utilisent aussi l’humour pour faire passer leur message. Comme avec cette parodie du clip de la chanson à succès Bande organisée, transformé en Cleaner organisé. Sur YouTube la vidéo tournée en partie dans le stade Vélodrome, en présence du youtubeur marseillais Bengous, comptabilise presque 700 000 vues.
S’adresser aux plus jeunes
« On veut jouer avec le chauvinisme marseillais et l’attachement des habitants à leur ville », détaille Eric Akopian, le fondateur de Clean My Calanques. Présent le jour du ramassage de la Vieille-Chapelle, l’ancien militaire à la forte personnalité cherche à sensibiliser le grand public. « Avec nos vidéos, on atteint les plus jeunes qui nous suivent beaucoup. On va dans les écoles pour les sensibiliser. Je crois que les enfants éduquent aussi leurs parents. S’ils savent qu’il ne faut pas jeter de mégots par terre, alors ils vont reprendre leur père ou leur mère quand ils les voient faire. » D’ailleurs, le rassemblement du jour attire une très large proportion de jeunes, mais aussi des familles venues avec leurs enfants.
En cinq ans, l’association a organisé 71 ramassages et récupéré 50 tonnes de déchets. Mais il y a toujours autant d’ordures. « C’est la deuxième fois qu’on passe sur cette plage et c’est toujours aussi sale », s’exaspère Éric Akopian. Avant le Covid il commençait à y avoir du changement. Puis Marseille est devenue très touristique. Il y a eu beaucoup de monde dans la ville, beaucoup de passage. La métropole, qui gère le ramassage des déchets, n’est pas à la hauteur. Elle fait n’importe quoi. Il n’y a pas de poubelles et elles sont toujours pleines. »
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Sensibiliser contre la surconsommation
Les événements rassemblent encore plus de monde quand la question des déchets est médiatisée à Marseille ou qu’un évènement choque l’opinion locale. Comme lors de la grande grève des éboueurs en février dernier. Cinq cents personnes étaient venues pour ramasser des ordures sur les plages. Mais dans les faits, cela ne suffit pas. Il faut prendre le problème à la racine selon Eric Akopian. « Une grande partie des déchets ramassés n’ont pas été jetés en bord de mer. On ne peut changer les choses que via la consommation. Il faut acheter moins et mieux. »
Le constat est partagé par Juliette. Membre de Clean My Calanques depuis plus de deux ans, elle s’occupe, ce jour-là, de trier les déchets récoltés par les volontaires. Debout sur une grande bâche installée au sol elle organise des tas. Elle est chargée de « catégoriser les déchets », explique-t-elle dans un rire. Autrement dit, elle fait le tri. D’un côté le verre, le papier, l’aluminium et certains plastiques, de l’autre le reste. Les bennes sont déjà prêtes à être remplies de plusieurs dizaines de kilos de déchets récoltés sur la plage de la Vieille-Chapelle. Mais avant cela, le butin du jour sera pris en photo et posté sur les réseaux sociaux. « L’idée c’est d’avoir des images-chocs pour faire réagir les gens », explique Juliette. Montrer un gros tas d’ordures permet aussi de faire réagir les passants.
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Malgré la joie des participants, ce n’est pas toujours facile pour Juliette. « Je suis un peu désabusée, confie-t-elle. Le plus dur c’est de voir que ramassage après ramassage il y a toujours autant de déchets. La grande majorité d’entre eux ne se trie pas. J’ai l’impression qu’il n’y a pas d’alternative réelle. On ne donne pas les moyens aux citoyens de faire autrement. »
L’association se veut accessible, mais pas moralisatrice. « On ne va pas aller sermonner des gens qui sont dans la galère. On est tous dans le même bateau. On demande un chacun de faire ce qu’il peut. » Elle espère que ces grands rassemblements finiront par faire réagir les décideurs. « Pour qu’un jour Clean My Calanques devienne inutile et disparaisse. »
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