à Cozumel, un nouveau quai pour accueillir les bateaux de croisières provoque la colère
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Cozumel est l’un des lieux favoris des plongeurs en raison de sa barrière de corail et ses eaux cristallines. Malgré sa petite taille, environ 450 km² pour 80 000 habitants, l’île de Cozumel est l’un des principaux ports de paquebots de croisière au monde. En 2022, plus de 3 millions de voyageurs ont rejoint ce petit paradis au moyen d’un de ces bateaux géants, quatre fois plus que l’année précédente en 2021.
Avec notre envoyée spéciale à Cozumel,
Au Mexique, la reprise du tourisme a bien eu lieu et l’industrie des croisières est florissante à l’échelle mondiale. Si bien que le projet de construction d’un énième quai de débarquement a été lancé à Cozumel, il y a un an pour augmenter encore la capacité d’accueil des croisiéristes.
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Mais ce trafic intense menace l’écosystème délicat de l’île et ses récifs marins. Les habitants de l’île s’y opposent. Ils dénoncent les dommages que cela aurait sur l’environnement et la violence sociale suscitée par ce tourisme de masse. Le 31 janvier, leur requête est examinée par la Cour constitutionnelle et déminera le sort de la belle Cozumel.
Un quai de 2-3 hectares
Ce jour-là, à Cozumel, quatre bateaux de croisière sont stationnés. C’est toujours ainsi dans cette petite île des Caraïbes mexicaines qui compte 3 gares maritimes, nous raconte Olivia Rose. « Ça n’a aucun sens », estime-t-elle.
Le long de la route du littoral, cette activiste s’agace. Là où des nageurs plongent pour observer le récif corallien, est prévue la construction d’un nouveau quai de débarquement aux proportions massives.
« La surface de quatrième quai serait de 2-3 hectares. C’est énorme. C’est comme si on additionnait les 3 quais déjà existants à Cozumel pour les installer ici. Ça reviendrait à dupliquer les ports que nous avons déjà », estime-t-elle.
Un collectif d’habitants conteste le projet
Un collectif d’habitants s’oppose à cette construction. Ils dénoncent les irrégularités du projet et défendent leur droit au bien-être. Luis Rodrigo Alcantara et Dora Uribe constatent en permanence les effets néfastes du tourisme de masse. Une économie dont l’île est devenue dépendante.
« La zone où ils veulent faire le quai est l’une des dernières plages publiques où j’ai l’habitude d’aller nager les matins. Donc, j’y suis attaché émotionnellement. En plus, je pense que Cozumel a suivi toutes ces années un modèle de développement très excluant, et qui n’est pas durable », estime Luis Rodrigo Alcantara.
« On parle de milliers et milliers de personnes par jour. Je dis toujours : ” S’ils vont aux toilettes, c’est 6 litres par personnes, si chacun prend une bière, ce sont des milliers de canettes tous les jours, une bouteille d’eau, ce sont des milliers de bouteilles.” Nous n’avons pas la capacité de gérer ça, ni les moyens, il nous manque la gestion des déchets, ni la quantité d’eau, ni les transports… rien “ », constate Dora Uribe.
À Cozumel, les inégalités sociales se sont fortement accentuées : un tiers de la population vit dans la pauvreté. « Comme beaucoup ici, nous ne sommes pas contre les croisières, mais contre un 4e quai et contre la forme par laquelle on prétend continuer le tourisme de croisière », assure Luis Rodrigo Alcantara.
Le milieu naturel fragilisé
Pour l’océanologue Adrian Villegas, le milieu naturel de Cozumel est déjà fragilisé. Laissée à son propre sort, l’île n’a pas su être protégée des activités humaines. « En tant que personne qui connait la zone, je peux te dire que la barrière de corail est très détériorée. Mais il n’existe pas d’études de suivi, pas de programme de surveillance de la part d’aucune institution académique ni aucune autorité environnementale », constate-t-il.
Le scientifique qui vit aussi sur l’île assure qu’elle ne peut pas supporter une infrastructure maritime supplémentaire. « Rien que la taille du quai, qui serait de 800 mètres, représenterait une barrière physique pour les courants qui vont du sud au nord de la côte occidentale de Cozumel, et ces courants sont très importants, car ce sont eux qui font le lien entre les communautés biologiques », poursuit-il.
L’industrie des croisières, comme activité principale, s’est peu à peu imposée à Cozumel. Elle rythme les journées des commerces et gagne du terrain. C’est surtout cela que regrette l’activiste Olivia Rose quand elle passe devant les nombreuses portions de la côte déjà privatisée.
« C’est une douleur pour les gens de Cozumel de passer à côté de ces plages dont on profitait tous avant, comprendre qu’on ne pourra jamais emmener nos enfants à cette plage, et se rendre compte que déjà, nous l’avons perdu », déplore-t-elle.
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